Du labyrinthe au grand oubli - 777

Propos et réflexions sur le livre d’Alexandra Laignel-Lavastine :
"Cioran, Eliade, Ionesco : L’oubli du fascisme"

"Veritatem laborare minis saepe, extingui nunquam" Tite-Live
(On ne peut que trop souvent blesser la vérité, jamais la tuer.)

La lecture fortuitement concomitante au début de l’été du livre d’Alexandra Laignel-Lavastine d’une part et des "Fragments d’un journal" ainsi que du "Cahier de l’Herne" consacré à Mircea Eliade d’autre part me laissait dans une certaine perplexité.

Je me trouvais partagé comme on le devine entre le désir de défendre la mémoire de l’hôte du Swarga Ashram et des grottes de Brahmapuri ce grand fils adoptif à 20 ans de Bhârat, notre Mère l’Inde, et la consternation devant les "révélations" de l’implacable réquisitoire de l’historienne philosophe. J’étais alors encore sous le choc de la lecture, changement de Ministre oblige, du livre de Luc Ferry et Alain Renaut : "Heidegger et les modernes" qui est dans la même veine. Faire la part de vérité dans ce livre demanderait un très gros travail de recherche. Fallait-il cependant formuler une réplique même non-polémique à cette charge contre Eliade et ses écrivains compatriotes de façon à défendre la part de gnose authentique dans ces œuvres qui le mérite comme cela m’avait été demandé par une revue littéraire ?

Je ne me sentais pas de taille et ne l’aurais pas fait sans que me soit envoyé un signe, pour moi indubitable, me commandant d’obtempérer. Ce n'est certes pas là une méthode rationnelle à l’initiative de ma réaction aux écrits teintés de scientisme de la philosophe. En effet, c’est la lecture d’une vidéo sur la grande sainte Catholique du XXème siècle, la sœur Augustinienne Yvonne Aimée de Malestroit qui mentionnait Eliade à propos de la relation entre les roses et la sainte qui m’a déterminé à prendre la parole. Je me suis dit que le savant roumain n’aurait pas pu être admis au dossier de la sainte, même de façon fugace, sans en être quelque peu digne. Raisonnement primitif et archaïque que j’assume dans une démarche de foi qui seule peut venir en appui de l’honorabilité de la mémoire d’Eliade face à ses juges.

De fait, j’ai peu à dire sur la partie du dossier portant sur l’enquête historique minutieuse menée du Bucarest de la "garde de fer" dans laquelle s’engagèrent Cioran et Eliade à travers les refuges diplomatiques de Vichy et du Portugal de Salazar jusqu’aux retrouvailles à Paris avec Ionesco accusé d’un silence complice. L’auteur se plait à vouloir prendre Eliade le plus souvent possible en flagrant délit de mensonge et de camouflage pour sauvegarder une vie mondaine et ménager sa carrière de savant et d’écrivain après l’engagement totalitaire de ses années de jeunesse. Il faudrait pour la contredire donner la parole à des témoins encore vivants ou des contre-témoignages ce qui n’est pas à ma portée.

J’admets l’idée que la maturation de l’une des pensées les plus fructueuses de la recherche métaphysique au XXème siècle, comme dans le cas de Raymond Abellio ait dû se faire par une allégeance intellectuelle aux idéologies extrémistes nationalistes et totalitaires sans qu’ait été prise alors la mesure de toute la barbarie inhumaine qui en découlait alors que cette pensée qui nous a été donnée ensuite après son épuration d’alchimie mentale débouche pourtant sur le seul humanisme encore crédible pour le monde de demain. Le seul humanisme possible parce qu’il est le seul à poser l’homme dans son fondement et lui permettre donc de se comprendre lui-même.

Un auteur que j’ai lu récemment évoque ce qui a manqué à Mircea Eliade et à Julius Evola pour achever la quête de l’Unité de l’être et dont lui pense avoir bénéficié. Je ne me prononce pas sur ses affirmations, mais en m’interrogeant moi-même sur ce qui a pu manquer à ces grands chercheurs, j’en viens à me dire qu’ils ont manqué de vrais maîtres spirituels vivants à la mesure de leurs génies et de leur immense potentiel de réalisation. C'est une caractéristique du Kali Yuga que si les grands maîtres et les grands disciples existent bien, ils se rencontrent rarement.

Assurément si le "Maître caché", maître de la jeune génération roumaine des années 30, Nae Ionescu enseignant la philosophie à la Faculté de Lettres de Bucarest est le personnage conforme au portrait sinistre dépeint par Alexandra Laignel Lavastine, il y avait là un bien piètre maître pour l’élite de cette jeunesse perdue. Hannah Arendt dans son étude sur les origines du totalitarisme déplore les trois générations d’intellectuels qui ont été sacrifiées sur les illusions idéologiques tragiques du XXe siècle. Eliade n’a pas échappé à ce sort. La liste des grands esprits leurrés par le totalitarisme est longue. Jean Cocteau saluant avec espoir la venue au pouvoir du Chancelier Hitler en 1933, Rabrindanath Tagore pris en faute d’une visite de courtoisie au Duce en Italie comme l’admet sa biographe Sylvie Liné lors de son premier tour d’Europe. Certains certes ont échappé aux pièges de ces bien méchantes doctrines politiques construites par des fous géniaux et mises en action par des voyous, Stephan Zweig, Thomas Mann, Hermann Hesse mais ils ont été atteints autrement. Je dirais dans le cas d’Eliade dont je m’occupe exclusivement ici que si l’œuvre de l’historienne ne se prétend pas un réquisitoire, il est des chasses à Cour le plus souvent où nul coup de feu n’est tiré sur la bête traquée mais où elle succombe bien plus cruellement sous les milles morsures des chiens lâchés.

Mon admiration pour Eliade n’est pas amoindrie par ces révélations, même si j’en suis navré et déçu parce que je ne suis pas entièrement convaincu des thèses qui l’accablent et dont son journal montre qu’il a eu à les affronter toute sa vie. Je lui laisse, moi, le bénéfice du doute.

Dans son journal au 4 juillet 1979 : "Barbanégra me rapporte ce que lui a récemment dit Jean Servier : des instructions précises ont été reçues d’Israël pour que je sois critiqué et attaqué en tant que fasciste etc…Jean Servier raconte Barbanégra était indigné…Je le crois mais on n’y peut rien." Et en 1979, le 6 juin : "Une lettre de Couliano qu’on m’a fait suivre depuis Chicago m’apprend que Furio Jesi me consacre un chapitre de calomnies et d’injures dans son dernier livre « Cultura di destra ». Je savais déjà que Jesi me tenait pour un antisémite, un fasciste, un garde de fer etc. Sans doute me tenait-il également responsable de Buchenwald…./… Que m’importe ses injures (je ne les lirai pas et donc je n’y répondrais pas) mais je ne peux accepter qu’il m’insulte dans la préface de mon propre livre."

Je retrouve ici l’ambiguïté de ces attaques contre Eliade qui se nourrissent de lui avec cette idée du sacrifice propiatoire. J’avance l’idée qu’Eliade, loin d’être toujours Nazi était plus qu’un autre vacciné contre une maladie qui ne semble pas encore tout à fait guérie dans les masses Européennes aujourd’hui. Il avait des raisons supplémentaires de déplorer la tragédie Hitlérienne et il en fut comme d’autres une victime, dirions–nous ontologique. Il témoigne que c’est toute une part de l’héritage culturel et spirituel de l’humanité qui a été hypothéqué. Or cet héritage pourrait bien être de la plus haute importance pour les temps futurs. Ce qui tendrait à dire que les forces de l’ombre n’ont pas complètement perdu la partie dans ce jeu dévoyé de perversion de la Connaissance.

C’est le moins que je puisse faire d’invoquer encore sa parole à la barre de la défense le 30 mai 1973 : "Et à nouveau je me rends compte de la catastrophe sans précédents qu’à entraîné le Nazisme dans tous les domaines. Entre 1934 et 1940, les recherches sur les rites initiatiques militaires des diverses nations Indo-Européennes s’étaient considérablement développées. C’est durant ces quelques années que parurent quelques ouvrages devenus des classiques et qui avaient pour auteurs Höfler, Stig Vikander, Jan de Vries, Georges Dumézil. Puis la guerre éclata, et lorsqu’elle se termina, on découvrit les camps d’extermination et les fours crématoires, Buchenwald, Auschwitz et tant d’autres. Depuis lors, ces études sur les rites initiatiques militaires des peuples Indo-Européens, en dépit de leur haut niveau scientifiques et leurs qualités, sont devenus suspectes, leurs auteurs risquant d’être pris pour des nazis ou des pro-nazis."

Je suis sidéré du parcours du savant, revenu de très loin en effet mais pour s’approcher très près de la vérité. Il est comparable en cela à Raymond Abellio. Je me souviens d’un entretien avec Jean-Pierre Bayard dans lequel il me rapportait les confidences d’Abellio sur son action en faveur de juifs sauvés de la déportation alors même qu’il était en poste à Vichy et justement grâce à cela. Même s’il est compromis avec ce qui est devenu une évidence du mal, un homme a pu se garder dans une zone de lumière sans que cela soit su au grand jour. Mais quel Anubis psychopompe peut peser la parole du Mircea, redoutable et virulent idéologue antisémite dans les journaux de la Garde de Fer « Vreema » et « Buna Vatra » d’une part et dans l’autre plateau de la balance l’oeuvre du romancier, du savant qui n’a pas seulement fait œuvre de philosophe dans une étude d’histoire des religions mais qui s’est adressé à tous les chercheurs en quête des dimensions possibles de l’existence humaine ?

Le glissement douteux à mon avis auquel se livre l’auteur est de faire passer sur les écrits philosophiques et gnostiques qui sont peut-être inaccessibles pour elle, l’ombre de ce qui a constitué dans le cheminement personnel du savant une œuvre au noir alchimique et que dans une vision indulgente du savant roumain, nous pourrions comprendre comme une préparation à sa mission de lumière. Si on décide de regarder le vrai Eliade, celui qui s’était partiellement au moins trouvé, on décèlera dans son œuvre une dimension d’éveil. Il ne faudrait pas que cette œuvre révolutionnaire soit neutralisée car elle nous tire du Kali Yuga, l’âge d’ignorance. Nous ne croyons pas à un fascisme rémanent de l’auteur qui a guidé au contraire beaucoup de gens vers plus de conscience et plus de liberté. L’analyse des écrits antisémites de résistance nationale d’Eliade déjà chargés d’une conception et d’une revendication d’un christianisme archaïque semble dessiner avec pertinence le développement de la pensée antihistorique d’Eliade. Mais n’est-il pas exagéré de dénoncer une conception du temps en rupture avec le judéo-christianisme exotérique comme une survivance de l’adhésion au totalitarisme ?. Cette conception du temps est linéaire et donc cyclique.

De ce temps subjectif émerge l’expérience du monde du sacré duquel le judéo-christianisme dégénéré et laïcisé y compris dans son expression Marxiste, véritable religion de l’Histoire nous aurait exilé comme du Paradis perdu de la Genèse. Ce n’est pas parce que l’antisémitisme est faux et abominable dans ces conséquences sur la Shoa que la vision philosophique d’Eliade est fausse, suspecte ou dangereuse pour la conscience ou l’âme humaine. Comme l’expliquait Pierre de Combas auprès de qui Abellio avait cru trouver un maître lui accordant la rémission de ses fautes : "Ce n’est pas parce que deux nuages se rencontrent que surgit l’éclair, mais c'est pour que surgisse l’éclair que ces nuages se rencontrent."

La partie la moins convaincante dans l’étude d’Alexandra Laignel-Lavastine est certes celle qui cherche une lecture de l’œuvre d’Eliade sur la base d’un supposé travestissement volontaire et aussi l’inconscient d’une pensée toujours fasciste. Lorsqu’elle fait appel aux concepts Freudiens du ça et autres inventions, ne procède-t-elle pas d’une forme accomplie d’ignorance métaphysique. Le renfort de la psychanalyse n’est pas ici surprenant compte tenu qu’il s’agit d’une demi et donc fausse connaissance constituant l’un des verrous les plus solides inventé par le mental humain pour barrer la voie de l’homme intérieur et du royaume de l’âme ainsi que la compréhension véritable par l’homme de son destin.

Utiliser Freud pour dénigrer Eliade, nous remarquons que c’est de bonne guerre car il est le plus grand intellectuel métaphysicien avec Sri Aurobindo a avoir démonté les rouages de l’imposture géniale du Freudisme. La doctrine de Freud nous oblige à nous souvenir de ce que nous devrons oublier alors qu’Eliade nous conduit dans le sens inverse. Il rira de la colère de Jung envers son ancien maître inventeur du complexe d’Oedipe : "Et dire qu’il ne connaissait même pas le Grec ancien !"

Dans son journal, au 19 mars 1960, sa démonstration est percutante : "Freud découvre l’importance de l’inconscient. Il déchiffre dans la morphologie du conscient la dynamique et les intentions de l’inconscient : sexe, mort, etc. Oui, mais l’explication donnée par Freud des motifs ultimes de l’inconscient est rationaliste c’est à dire "consciente", le but ultime serait d’après Freud la Vie ou la tension entre Eros et Thanathos. Il me semble déceler là une erreur de méthode : Freud pense pouvoir expliquer rationnellement le sens et le but de la dynamique de l’inconscient. En d’autres termes il veut expliquer rationnellement la vie et sa téléologie. Mais si cela justement nous échappe, s’il reste quelque chose d’irréductible dans l’inconscient cela signifie que l’explication rationaliste est partielle. Il est vrai que la sexualité domine, il est vrai que l’inconscient est dominé par la libido, et même peut être pour le conscient, le sens des complexes (Œdipe, etc.) est celui que donne Freud. Mais le but ultime de l’inconscient nous échappe, il est mystérieux. Peut-être que cette dynamique est nécessaire pour rendre possible la transcendance de la condition humaine, ou peut-être dans un autre but. Il y a là un mystère."

Et ailleurs : "La psychanalyse justifie son importance, en faisant valoir qu’elle vous force à regarder et à accepter la réalité. Mais quelle sorte de réalité ? Une réalité conditionnée par l’idéologie matérialiste et scientifique de la psychanalyse, c’est-à-dire un produit historique : nous voyons une chose à laquelle ont cru certains savants et penseurs du XXe siècle. Si la psychanalyse accepte un jour une réalité totale, non conditionnée par sa propre idéologie, une nouvelle étape pourrait alors s’ouvrir dans l’esprit occidental."

Cette nouvelle étape, Eliade en est précisément l’un des précurseurs, il ne pouvait l’ignorer. Son totalitarisme véritable est celui de cette vision totale, non conditionnée. L’œuvre d’Eliade se dresse malgré ses zones incertaines devant la courbe involutive qui de la Renaissance à la Réforme puis à l’esprit Encyclopédique et aux Lumières et au rationalisme pour culminer avec le Marxisme à priver l’homme de son symbolisme anthropomorphique et de vie archétypale. Elle en appelle à l’homme comme cause de mythe, de rêve, et de mystère sans écarter totalement loin de là, quoi qu’en dise Alexandra Laignel-Lavastine, la dimension éthique de son existence. Elle se refuse seulement à légiférer en la matière et c’est pourquoi elle est métaphysique. On lui oppose abusivement la cause de l’homme.

Par contre, si Alexandra Laignel-Lavastine piste l’influence de la pensée d’Eliade sur la littérature ésotérique contemporaine aussi bien que sur les pionniers du New Age américain nous retrouvons ici les échos d’une normalisation mentale qui sévit surtout en France depuis une dizaine d’années à l’encontre de toute pensée non rationaliste, spiritualiste, symboliste ou sacralisante, de toute pensée se tenant en marge voire s’éloignant du quota autorisé aux dites grandes religions révélées dont l’Hindouisme par exemple est totalement exclu ?

Eliade comme Guénon, Romain Rolland, Jean Herbert ou Satprem restera l’un des grands défenseurs de la pensée indienne et il est mondialement connu mais il est vrai comme le fait remarquer Arnaud Desjardin dans son livre d’entretiens avec Gilles Farcet aux éditions "La Table Ronde" : "Regards sages sur un monde fou" que nous trouvons rarement des Indianistes qui soient des hommes de gauche. De fait même pour ceux qui s’en tiennent résolument à une attitude apolitique comme c’est mon cas et celui de nombreux chercheurs Hindouisants, l’Hindouisme est malgré lui suspect d’être marqué politiquement et donc cible convenue d’une certaine gauche sectaire. Je pense ici à la parution de cette étude sur le système des Varnas par Louis Dumont parue en 1967 sous le titre « Homo hierarchicus » et dont l’accueil a été passionnément discuté par les spécialistes.

Lors d’un voyage en Inde à Rishikesh, je me trouvais avec un groupe en visite à l’Ashram de Shivananda en 1994. Nous avons après une longue attente été reçus par un instructeur que nous pouvions questionner. Une question portait sur l’Hindouisme. On nous a dit que l’Hindouisme n’existe pas, ce qui était une surprise pour la plupart. De fait la seule définition scientifiquement correcte de l’Hindouisme est : "Les Hindous sont ceux qui se reconnaissent dans le système des castes". Ce système est, en Kali Yuga, source d’insoutenables injustices sociales mais cela ne veut pas dire qu’il soit Cosmiquement erroné. Le système des castes est également aboli dans l’Inde démocratique amenée par Gandhi et c’est une bonne chose puisqu’il est dégénéré et sclérosé depuis la période de décadence post-Védique.

Le christianisme qui s’ouvre aux basses castes en Inde contribue à achever cette décomposition comme il l’a fait dans l’Empire Romain en tant que "religion des esclaves". Cependant toute société s’approchant du modèle théocratique est structurée en castes, classes ou degrés comme une armature sociale visant à la maintenir sur un axe vertical. Eliade dont toute la vie est animée par un souci de primauté du spirituel y compris à travers ses idéaux de jeunesse erronés, est l’homme de cette cohérence. Conformément à cette pensée de Raymond Abellio cherchant une éthique à la nouvelle gnose selon laquelle : "L’indignation est un péché plus grave que le mensonge.", je me refuse à être indigné par ce qui est écrit par Alexandra Laignel-Lavastine sur Eliade et les autres et respecte son point de vue même si je ne le partage pas.

Par contre, je vais parler d’une "non-compassion" frappante. J’emploierai un mot sanscrit que j’invente peut être "Akaruna" composé de A, le privatif en préfixe et Karuna qui veut dire compassion. Le mal n’a pas d’existence propre pour moi et ne se manifeste que par l’absence de vertu qu’on peut lui opposer. La parole d’Alexandra Laignel-Lavastine ignore toute compassion en enfermant l’autre dans son erreur comme dans un labyrinthe d'où il n’y a aucune issue possible. Si on suit la philosophe, on ne laisse même pas à Eliade le bénéfice du doute : Il est resté prisonnier de son appartenance au mal jusqu’au terme de son existence terrestre.

Une phrase très symptomatique de cette attitude mérite d’être extraite de son chapitre "Mémoire et oubli" : "Eliade en clair, est un anti-Ulysse et une part, en lui, le sait bien ; il est condamné à ne jamais sortir du labyrinthe pour la bonne raison que toute son entreprise autobiographique et scientifique est faite pour nous perdre et pour protéger le centre, le lieu où se joue la vérité de sa propre histoire. C’est pourquoi il ne deviendra jamais un autre homme et demeurera sa vie durant arc-bouté sur ses certitudes passées, y compris politiques, comme nous le démontrerons plus loin."

Et si involontairement Alexandra Laignel-Lavastine cherchait à nous dérober l’accès au centre de l’œuvre d’Eliade, le lieu où se joue la vérité de l’histoire de tout homme. Mais quel homme aurait dû donc devenir Eliade pour trouver grâce auprès de ses juges contemporains et posthumes ? On aurait voulu qu’il rompe avec son destin et devienne ainsi parjure à la vertu première de l’homme de tradition qu’est la fidélité. Car au fond, l’ésotérisme confiné dans d’obscures librairies spécialisées n’est pas dérangeant, mais Eliade a commis le crime de porter le feu de la Connaissance sur l’autel de la nécrose Universitaire. Or le péché contre l’esprit Universitaire ne saurait être pardonné c’est bien connu. A cet égard Eliade est rusé comme Ulysse et fort comme Hercule. Je crois pouvoir citer ici la définition par Eliade de la notion de fidélité donnée dans le Cahier de l’Herne : « La fidélité, accord avec le destin ; ou parfaite observation des normes. En tout état de cause, signe d’incontestable bravoure ; ne pas s’éloigner des normes, ne pas vaincre son destin. Les cultures traditionnelles (Inde, Chine etc.) sont marquées par une certaine fidélité aux doctrines aux normes. »

Et si contrairement à ce que l’on cherche à nous faire accroire en nous présentant un Eliade narcissique, avide de gloire et de reconnaissance, il avait voulu être tout sauf original mais simplement et plus subversivement Originel ? Son œuvre et sa vie seraient une sorte d’action thérapeutique archaïque de type chamanique de grande envergure sur le corps malade de l’humanité. Il aurait agi comme cette population tibéto-birmane les Na-Khi vivant dans la Chine du sud-ouest qu’il évoque dans "Le sacré et le profane" au chapitre du temps sacré et des Mythes... On y comprend la fonction régénératrice du retour au temps des origines. L’évocation de l’Origine du Monde permet celle de l’origine de la maladie et de l’apparition de son remède ou l’histoire du saint ou guérisseur qui s’en est rendu maître, condition indispensable à la guérison. "Il faut raconter l’origine du remède sinon on ne peut pas parler de lui." Quant au labyrinthe dans lequel Eliade serait enfermé c’est le cercle magique d’où il opère pour ceux qui veulent se guérir et guérir les autres mais où ne peuvent jamais pénétrer ceux qui parlent de remèdes et refusent d’entendre raconter l’histoire qui les rendent actifs.

L’oeuvre d’Eliade malgré le récit autobiographique des fragments de journal et en dépit de la résonance autobiographique dans les romans est infiniment moins personnalisée qu’il semble. Comme Ganesh le seigneur des obstacles en Inde agit tout autant pour les écarter que pour les poser, le maître du labyrinthe guide vers le centre tout autant qu’il y égare celui qui doit l’être. Il y a dans l’œuvre d’Eliade un principe ontologique en action par l’écriture qui n’est pas mu par l'Ego mais directement par l’Atman faisant de ses écrits un guide le plus souvent fiable pour le chercheur sincère et méritant.

Lui seul peut-être a su par exemple présenter si clairement l’approche complémentaire des chemins de la métaphysique et de la religion. Dans "Le Cahier de l’Herne" : "Certes les chemins de la métaphysique et de la religion « vers le centre » suivent des directions opposées : " la métaphysique découvre le centre dans l’homme (tat tvam asi) alors que la religion le découvre dans le sacré en dehors de l’homme. Néanmoins, "les directions" des chemins ne doivent pas nous tromper et nous faire croire à une incompatibilité des voies métaphysiques et religieuses. Car s’il est vrai que dans le cas de l’itinéraire métaphysique, l’homme découvre en soi la réalité absolue (atman) il n’en est pas moins vrai que ce principe ontologique n’appartient pas à l’homme en tant que tel, mais qu’il le précède et le transcende ». Ce qui nous parle dans les écrits d’Eliade et qui mérite d’être défendu n’appartient pas à l’homme en tant que tel mais à ce qui le précède et le transcende.

Le détournement de sens des mots centres et labyrinthe de la part d’Alexandra Laignel-Lavastine devient flagrant dès que l’on voit ce qu’Eliade en fait. Eliade est Ulysse, Hercule mais aussi Thésée devant nous affrontant le Minotaure. Goethe, je crois, a fait cette réflexion : "Ne fixe pas trop du regard le monstre que tu veux abattre de crainte de lui ressembler". Ce qui serait regrettable c’est que ces efforts des uns et des autres pour dénoncer le totalitarisme du passé, de façon rarement bilatérale nous le signalons encore ne nous masque le totalitarisme d’aujourd’hui ou de demain qui devrait mobiliser les énergies.

Dans le numéro 2970 de l’hebdomadaire chrétien "La Vie", Jean-Claude Guillebaud titre un article à la rubrique "bloc notes" par la reprise de celui du récit autobiographique de Serge Ravanel, l’un des responsables des corps francs de la Résistance. Ce titre est "L’esprit de résistance". Il dit ceci : "Le tout Paris de l’époque a bel et bien versé dans la collaboration. Le Tout Paris, c’est-à-dire ce rassemblement des élites, intellectuels reconnus, hommes d’affaires puissants, journalistes influents. Ce "tout médiatique" est toujours là n’est-ce pas ? Il pérore, admoneste et campe dans ses privilèges. Il donne même des leçons." Jean-Claude Guillebaud provoque notre sagacité morale en nous interrogeant sur la valeur toute relative de cet héroïsme rétrospectif où les antifascistes d’aujourd’hui brillent d’un éclat d’autant plus terne qu’on ne les retrouve pas sur le terrain des luttes devant les mille et une lâchetés quotidiennes et compromissions de notre époque, devant les pesanteurs et pressions diffuses de toutes sortes. J’aime aussi cette phrase de Marc Aurèle à propos des ennemis : "La meilleure vengeance : ne pas leur ressembler."

La question que je me pose est aussi celle-ci :
Pourquoi veut-on faire disparaître la parole d’Eliade ?

S’agit-il d’un sacrifice fondateur d’un père de la Nation duquel naîtrait une Roumanie nouvelle ? Je ne suis pas assez au fait de l’évolution politique de ce pays pour déceler le but de la manœuvre. Où en est l’ultra-nationaliste Cornélius Vadim Tudor et son parti de la "Grande Roumanie" dont l’ascension foudroyante lors des élections du 26 novembre 2000 avait provoqué un certain émoi ? D’un autre côté Dona Cornéa n’a pas fini de nous en apprendre sur les années rouges du système communiste, de la Stasi, sa terrible police politique dont la Roumanie n’est pas encore remise.

Je comprends les craintes mais on ne peut pas toujours jouer une barbarie contre l’autre. Je n’oublie pas que le livre d’Alexandra Laignel-Lavastine est dédié à l’ethnologue français Isaac Chiva né en Roumanie et rescapé des pogroms de Ios de juin 1941. Aussi s’il fait l’objet de mes réserves, son étude ne me trouve pas sourd à la plainte des victimes de la Shoa, cet holocauste sinistrement exemplaire que nous devrons entendre jusqu’à la fin de l’Histoire de cette humanité.

Mais lorsque dans son introduction, Alexandra Laignel-Lavastine définit les quatre enjeux de son travail, je dois bien y revenir de plus près.

Le premier enjeu se veut une intelligence de l’œuvre d’Eliade. Je pense que c’est tout le contraire qui se passe si on suit l’auteur dans sa lecture par contre si on lui résiste, on peut en effet bénéficier de son travail tant il est vrai que les détracteurs servent souvent à l’encontre de leurs objectifs. A l’extrême, je pense plutôt qu’on voudrait rendre Eliade incompréhensible et même illisible. Je veux dire qu’on pourrait nous dissuader de lire une œuvre aussi "contaminée".

Le deuxième enjeu est historique et cherche à nous faire comprendre le fascisme et d’un même mouvement l’anticommunisme. Est-ce à dire qu’on voudrait nous convertir au communisme, nous guérir de l’anticommunisme ? Est-ce là la nouvelle Roumanie ? Est-ce que le communisme en Roumanie n’a pas fait beaucoup plus de mal que le fascisme ? Le sang est encore tout frais, trop frais pour que ce soit de l’Histoire ? C’est certain, la confrontation de la religion de l’Histoire qu’est le Marxisme et de la pensée atemporelle d’Eliade est radicale. Mais pour ce qui est de comprendre le fascisme il faut lire Mein Kampf et non pas Eliade.

Le troisième enjeu d’ordre éthique cherche à affirmer la responsabilité de l’écrivain. C’est un très bon principe et Eliade dans ses écrits de jeunesse n’est pas sans reproches. L’auteur elle-même est soumise à ce principe. Nous pourrions lui parler d’une éthique de l’oubli forme achevée du pardon. Nous allons devoir apprendre à accepter enfin ce qu’a été notre histoire. Accepter le mal qui a été fait et le pardonner jusqu’à l’oubli.

Le quatrième enjeu est l’Europe de demain. Quelle Europe ? Avec une Roumanie expurgée de son plus grand écrivain ? Sans cesse nous oublions ce que nous devrions nous rappeler et nous nous rappelons ce que nous devrions oublier. Pour aller vers Dieu, nous devons voyager léger. Il nous faut oublier les souffrances et les offenses subies. Reconnaître nos fautes, les regretter puis les oublier. En ce qui concerne les autres, oublier tout. Le Christ nous a demandé de pardonner 77 fois 7 fois. C’est ce que cela veut dire. C’est l’oubli profond du mal qui nous ramène dans le sein du Père. C’est là le temps de l’origine. C’est le temps de l’innocence. Nous avons oublié l’oubli. L’Eliade essentiel est souvenir de l’Etre qui est oubli. Le deuxième volume des "Fragments d’un journal" qui couvre la période de 1970 à 1978 se termine par cette évocation du jeu de la mémoire chez l’auteur J’y trouve un accent de vérité : "Tout ce qui m’est arrivé depuis, tout ce que j’ai pu apprendre mais aussi oublier, tout ce que j’ai pu désirer, tout ce dont j’ai rêvé, est resté gravé quelque part en moi, non dans ma mémoire mais au plus profond de moi-même. Et c’est pourquoi j’écris ces lignes sans la moindre amertume. TOUT CE QUI ME CONCERNE VRAIMENT, j’ai su le garder. Rien n’est perdu. Sans la moindre amertume sans doute, mais non sans une certaine crainte. Il suffirait en effet qu’une petite électrode m’a-t-on dit pénètre dans une certaine portion de mon cerveau pour que tout un pan de mon passé me revienne intact en mémoire, jusque dans ses plus infimes détails. Et si cela devait m’arriver…" La petite électrode en question aurait une action de viol psychique. Le travail forcé d'Alexandra Laignel-Lavastine sur la mémoire historique d’Eliade est tout aussi redoutable mais porte-t-il lui aussi sur ce qui concerne vraiment Eliade ?

Pour faire bonne mesure, je dois dire que je comprends cependant l’auteur lorsqu’elle se cabre devant la formule d’Eliade employée dans son journal pour désigner son engagement dans la "Garde de fer" comme une "Félix Culpa". Qu’on me pardonne le jeu de mots, je trouve que la formule est "malheureuse". Ce n’était pas une Félix Culpa même si obligeant Eliade à l’exil elle en fit un intellectuel mondial. Mais heureusement pourtant qu’il la commit de ce point de vue, pour ce qu’il a donné au monde. Si les écrits d’Eliade semblent se dérober à nous ce n’est pas pourtant dans ce jeu du masque qui le fascinait tant qu’il n’ait eu qu’à camoufler une irréparable faute mais c’est qu’ils sont l’émergence révolutionnaire au sens fort et vrai de ce terme du sacré dans un monde universellement profané. De ce fait comme dans toute hiérophanie, il y a l’émergence inévitable du cryptique. C’est pourquoi le miracle est par nature non reconnaissable. C’est là une clé de ce qu’il a eu à dire au monde.

Ce grand savant du phénomène religieux en vient à dire avec humilité : "Là est la vraie dialectique du sacré, par le seul fait de se montrer le sacré se cache. Nous ne pouvons jamais prétendre que nous comprenons un phénomène religieux, quelque chose, peut être l’essentiel sera compris par nous plus tard, ou par d’autres sur le moment même". Encore une invitation à la tolérance dont les pourfendeurs d’hérésie ou de sectes modernes pourraient prendre de la graine. La tolérance me semble si essentielle pour ma part que je la préfère même à l’idéal de sainteté. Il fallait un Mircea Eliade pour nous rappeler que le grand St Augustin lui-même n’échappa pas à une certaine lâcheté envers ces anciens amis gnostiques. Le manichéen Fortunat fit en vain appel à son témoignage. "Je n’ai été qu’auditeur, je ne sais pas ce que vous pouvez faire lorsque vous êtes entre vous". D’après Eliade, il savait très bien à qui il avait affaire et aurait même témoigné de l’admiration pour la frugalité et l’ascétisme des manichéens.

Qui a compris Mircea Eliade ?

Quelqu’un a voulu récemment m’opposer le chamanisme d’Eliade au Grand Oubli mystique de la spiritualité Thérésienne. Mais si le labyrinthe est le chemin même du sacré, il conduit toujours au Grand Oubli. Le grand oubli est en même temps mémoire absolue, parfait souvenir du seul Divin. Le 20 mars 1962, c’est-à-dire juste après l’entrée dans l’Ere du Verseau, il consigne dans son journal : "Dans l’Evangile de saint Jean (14-26) Jésus annonce aux disciples qu’après la Résurrection "le Saint-Esprit vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit". Le souvenir, la mémoire fonctionneront grâce au Saint-Esprit et sous son contrôle. L’importance décisive du souvenir : ceux qui ont vu et entendu le Seigneur seront des témoins, c’est pour cela qu’il est nécessaire qu’ils n’oublient rien."

Eliade, peut être parce qu’il n’écrivait pas pour des initiés, était ouvert à tout. La tolérance pour lui n’est pas un vain mot, car elle résulte de son intarissable curiosité devant tous les faits spirituels, de son intelligence tout simplement. Avec lui, on peut se dire comme l’annonce Satprem : "Le temps des croyants est terminé, voici le temps des chercheurs.". Au nom d’une rigueur métaphysicienne émule de celle de René Guénon, on aura reproché à Eliade ses investigations sur le chamanisme. Pourtant, est-il si certain que le chamanisme soit une "religiosité " régressive par rapport à la révélation et aux mystiques chrétiennes ? Le chamanisme peut conduire a de très hautes réalisations.

Par exemple, le 5 mars 1962, il parle d’une communication faite à son séminaire par le Dr Hsu sur la traduction d’un texte néo-Taoïste du Xème siècle. Il y est question de la technique de la création et de la croissance de l’embryon secret dans le champ inférieur. "L’adepte peut s’élever en l’air et abandonner son corps physique. Il y a un nouveau corps spirituel qui a l’air d’un enfant, son vrai corps ressemble à une momie, la peau vieillie et ridée. Installé dans son nouveau corps "spirituel" l’adepte peut se retirer dans une des Iles mythiques où il peut s’élever au ciel. Mais il garde pour un certain temps l’ancien corps qu’il peut visiter à des intervalles réguliers. Mais finalement il s’installe définitivement dans le corps spirituel. A remarquer que la liberté ne se conquiert ni par le dépassement des conditions psychosomatiques comme en Inde, ni par la régénération du corps, mais par la création et le perfectionnement d’un second corps, de nature spirituelle."

Et si c’était ce genre de connaissance qu’on voulait nous empêcher de trouver chez Eliade ?

Pour conclure tout à fait je voudrais tout d’abord pour me faire pardonner moi aussi de l’avoir laissé de côté au même titre que Cioran dans cette intervention, je voudrais donner la parole à Eugène Ionesco : "Et quelle voix pourrait se faire entendre dans ce monde qui n’est plus, comme disait Shakespeare, qu’une histoire racontée par un idiot pleine de bruit et de fureur, dénuée de toute signification ? S’il ne peut être un saint, s’il ne peut être un sage, Mircea Eliade, dans la débâcle, nous indique tout de même, la direction et notre égarement."

Ensuite je voudrais couronner cette spéculation sur les problèmes du temps en laissant Eliade établir lui-même ce qu’est la dialectique ou si on préfère le paradoxe de la mémoire et de l’oubli. Il existe un terme intraduisible en sanscrit, Alaya, qui désigne le souvenir des vies antérieures. Ce souvenir n’est pas l’équivalent d’un souvenir conscient de la vie actuelle mais plutôt une "donnée immédiate de la conscience " comme aurait dit Bergson qui a été provoquée par une trace provenant d’une vie passée.

L’initiation comme le Yoga vise à brûler ces traces pour retrouver la conscience pure, non dualiste et guérir de la douleur de l’existence dans le temps. Voilà ce que dit Eliade à ce propos dans "Aspect du Mythe " : "Or l’un des moyens de brûler les résidus karmiques est constitué par la technique du "retour en arrière" afin de connaître ses existences antérieures . C’est une technique pan-indienne. Elle est attestée par le Yoga-Sûtra (III,18), elle est connue de tous les sages et les contemplatifs contemporains du Bouddha, et elle est pratiquée et recommandée par le Bouddha lui-même…./… Autrement dit, en partant d’un moment quelconque de la durée temporelle, on peut arriver à l’épuiser cette durée en la parcourant à rebours et déboucher finalement dans le "non-temps ", dans l’éternité. Mais c’est là transcender la condition humaine et récupérer l’état non-conditionné qui a précédé la chute dans le temps et la roue des existences. "

Le grand oubli n’est possible que grâce à la grande mémoire. Cette anamnèsis des vies antérieures était bien connue dans le Grèce antique des philosophes Pytagoriciens. Pythagore aurait possédé ce don dans toute son étendue. L’homme peut ainsi connaître sa psyché, ce Daimôn venu s’incarner en nous. Il se pourrait que contrairement à ce qu’il nous a été dit, Mircea Eliade n’a rien voulu oublier mais tout rappeler à lui dans une extraordinaire ascèse bien plus rigoureuse que les excuses, la culpabilité et les remords. Dieu seul sait de la sorte combien de son passé a été racheté et jusqu’à quel degré il était parvenu à se rapprocher du point de réintégration dans l’Unique et l’Originel.

Paix aux mânes de Mircea Eliade,
Om Shanti…Shanti…Shanti !


Par Célestin Valois,
ce dimanche 15 septembre 2002, jour de la Sainte Croix

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