Ils parlent de William Beckford... Souvenirs imaginaires...
Grâce à des textes parfaitement imaginaires écrits récemment par quelques passionnés de la vie et de l'oeuvre de William Beckford, laissez-vous conduire à travers l'Europe des XVIIIème et XIXème siècles à la rencontre de cet homme hors du commun.

William Courtenay

Il est des instants de grande solitude, de grand dépouillement où en un éclair votre vie vous saute au visage comme un jaillissement de lumière. Et dans cette soudaine déflagration votre âme explose de pardon, de compréhension, de clarté, de compassion. Devant la nudité de tout notre être les souvenirs exhalent leurs parfums où rires et larmes dansent enlacés dans le silence de l'amour. Le petit garçon que vous avez aimé, William, s'est définitivement perdu dans les brouillards de la mémoire.

Je me souviens, William, de ce Noël 1781 à Fonthill où pendant trois jours et trois nuits le monde était hors de notre temps. Vous m'appeliez "Little Dove", petite colombe, et ensemble, dans ce rêve éveillé de ces mille et trois nuits vous sembliez me crier de toute votre âme "plus haut, Little Dove, encore plus haut ! L'infini vous attend !..." Votre regard m'enveloppait d'un amour si pur, si total, que la grâce et la beauté irradiaient de tous mes gestes, de toutes mes paroles. Notre imagination enivrée par la magie de l'Orient nous imposait sa loi créatrice. Peu importe ce que le monde du dehors pouvait penser, nous étions jeunes, nous étions libres et nous célébrions cet amour de la vie avec l'exaltation de tous nos sens. C'est seulement aujourd'hui que je comprends ce que tout votre être me chuchotait : "... Les lacs d'amour se nouent à la rencontre de deux âmes, le corps n'est qu'un prétexte, aussi lumineux soit l'habit..."

Je n'avais que treize ans, William, et vous déjà vingt et un.

La noblesse de l'âme exige que l'on se défende noblement. Je n'ai pas su, William, je n'ai pas pris le temps d'apprendre, la lumière de votre petite mouette s'est éteinte, étouffée par le caquetage furieux du monde.

Oh ! comme je me souviens de vos yeux quand un soir d'hiver vous m'avez croisé à Londres, huit ans après ce Noël magique, paré comme une vulgaire poupée ! J'étais devenu un pâle courtisan, votre petite mouette s'était transformée en volaille de basse-cour.

Pardon, William, moi qui portais le même prénom que vous, je n'étais qu'un bardache, une marionnette ridicule prisonnière de ses propres fils. Moi, qui quelques années plus tôt avait été la cause de votre exil parce qu'on nous avait trouvé enfermés dans ma chambre, je vous ai blessé, j'ai bafoué l'essence même de notre relation que personne ne pouvait comprendre tant elle était totale. Pardon de ne pas avoir compris. Je vous ai abandonné sur la route des étoiles, restant esclave de ce monde qui vous a rejeté. Je vais maintenant m'endormir avec un de vos poèmes qui soigne les blessures profondes de mon coeur. Merci d'avoir traversé ma vie, William, merci de votre pardon.

Ah quelle tristesse !
Non ce n'est pas le joli mois de mai
Mais soyons gais soyons gais
Ah quelle tristesse !

Oui nous le chanterons
Le Cantique des Créatures
A chacune nous offrirons
Les fleurs du printemps.

Ah quelle tristesse !
On ne doit pas jouer aux jeux de l'innocence
Quand on est marié comme ils disent
Ah quelle tristesse !

(Poème de William Beckford)




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