Ils parlent de William Beckford... Souvenirs imaginaires...
Grâce à des textes parfaitement imaginaires écrits récemment par quelques passionnés de la vie et de l'oeuvre de William Beckford, laissez-vous conduire à travers l'Europe des XVIIIème et XIXème siècles à la rencontre de cet homme hors du commun.

Lady Margaret Gordon, sa femme

1786

Nous sommes en Suisse et je viens de donner le jour à notre seconde fille. Alors que le souffle de la vie emplit ses poumons vierges, l'ange de la mort m'emporte dans le battement de ses ailes.

William, mon tendre amour, vous avez à peine 26 ans et le destin tranche notre union d'une brutale secousse. Je m'éloigne de vous dans la douleur de vos larmes. Je vous regarde chancelant auprès de mon corps inerte, et avec mon âme j'emporte tant de mots d'amour que je n'ai pas eu le temps de vous dire.

Mon amour, je vous ai tant aimé, je vous aime tant. De notre première rencontre j'emporte la lumière de vos yeux, la force de nos étreintes, le souffle de vos caresses. Toujours vous avez eu ma confiance et mon amour le plus entier. Toujours mon coeur fut blotti près du vôtre. Toujours mon âme fut dans la résonance de la vôtre.

L'Angleterre vous a chassé parce qu'elle ne supportait pas votre joyeuse liberté. William Courtenay n'était qu'un prétexte. Moi seule pouvait comprendre ce qui vous unissait à votre petite colombe. Et c'est moi maintenant qui m'envole vers un autre monde.

Tout ce qui bat d'un coeur unique ne se quitte jamais, je ne vous quitte pas, William, je prends un peu de hauteur pour vous suivre dans vos rêves les plus fous, pour vous accompagner à jamais dans les paysages de votre vie qui continue, pour que l'image de ma jeunesse vous enveloppe dans l'illusion du temps.

Déjà je ne distingue plus les larmes qui coulent sur votre tendre visage, je vous laisse ma joie. Au revoir mon amour, souviens-toi... Remember...

Lorsque, par une nuit limpide et sans nuages,
La lune répandra cette douce clarté
Qui tremble sur la mer en longs reflets d'argent;
Je suivrai du regard ses rayons bienfaisants,
Et je demanderai, soupirant, si tu vois
Son orbe étincelant - et si tu penses à moi.

Quand le vent fou s'élance à travers les haubans
Dans sa course sauvage et hurle infiniment,
Dans la tourmente, à regarder, je serai là;
Au plus fort de l'orage, mon coeur viendra te dire :
L'entends-tu toi aussi ? - et de tendres soupirs
Font-ils battre ton coeur lorsque tu penses à moi ?

S'il est écrit qu'un jour, dans la lutte sanglante,
Ces yeux se fermeront sur une nuit sans fin,
Je veux te regarder de toute ma tendresse;
A cette heure où la vie, lentement, refluera,
Mon tout dernier soupir s'envolera vers toi :
Toi l'unique que j'aime ! - Ah souviens-toi de moi !

(Poème de William Beckford)




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