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Joseph et la femme de Putiphar
(Yûsuf et Zulikha)
lundi 28 mai 2007

par Bayazid


La Bible et le Coran ont interprété de manière différente cet épisode important de la vie de Joseph. Pourtant, dès le Moyen Age, c’est une version mêlée et commune des deux versions qui parvient à l’Occident chrétien, comme en témoigne la sculpture figurant au socle de la statue de Joseph, au portail Nord de la cathédrale de Chartres.

La femme de Putiphar, au socle de la statue de Joseph
Dans l’ébrasement du porche droit du portail Nord de la cathédrale de Chartres.

Qui est la femme de Putiphar qui figure au socle de la statue de Joseph, au portail Nord de la cathédrale de Chartres ?

Une femme éconduite qui va se venger ! Mais comme c’est étrange ! L’image qui nous est montrée de la séductrice intrigante convaincue par le démon de monter un complot pour faire jeter Joseph en prison (Genèse 39), comporte un détail important qui évoque la version coranique, légèrement différente, de l’histoire (Sourate Yûsuf-12, 21 à 33).

Comment la fusion des deux versions est-elle devenue culture commune dans l’Occident chrétien de ce début du 13e siècle au point d’influencer le théologien, le maître maçon et le sculpteur responsables du portail Nord de la cathédrale ?

Qu’ajoute donc la version coranique ? C’est ce que nous allons tenter de savoir.

Les statues-colonnes de l’ébrasement de droite du porche
A droite, Joseph, avec sous ses pieds la femme de Putiphar tentée par le Malin.

Joseph est le troisième personnage des statues-colonnes de l’ébrasement de droite du porche, après Ben Sirah le Sage et de la Sybille d’Erytrée.

Rappelons que Joseph, ayant su expliquer un songe du Pharaon qui annonçait sept années de disette succédant à sept années d’abondance, conseilla de mettre en silos une importante réserve de grain en prévision des mauvais jours. Aussi le monarque égyptien fit-il de Joseph son Premier Ministre.

C’est sans doute pourquoi le sculpteur a représenté Joseph tenant le sceptre, symbole de puissance. On remarque même l’anneau que le pharaon lui avait passé au doigt pour lui marquer son entière confiance.

Les sculpteurs faisaient souvent reposer les pieds des grandes statues-colonnes sur un socle pour rappeler au visiteur l’épisode fondamental (au sens littéral) de sa vie ou de son oeuvre.

L’épisode de Joseph et de la femme de Putiphar (Al-Aziz dans le Coran) se déroule au début du séjour égyptien de Joseph. Vendu par ses frères, il avait été acheté par le chef des gardes Putiphar-Aziz qui en avait fait son fils adoptif. Mais voilà que Joseph (Yûsuf), d’une grande beauté, plaisait à la femme de son bienfaiteur (Zulikha, dans le Coran)... Elle voulut le séduire. Par probité et respect pour son bienfaiteur, Joseph-Yûsuf a repoussé ses avances.

Ce que suggère l’esprit du mal à cette femme éconduite, c’est d’utiliser un lambeau de la tunique arrachée à Yûsuf (version coranique) comme preuve d’un viol qu’il aurait commis sur sa personne.

Sur la sculpture du portail de la cathédrale de Chartres, l’écoute complaisante de la femme à la tentation du malin est signalée par la pression complice de sa main sur le cou de la bête. Elle est sûre de son (mauvais) coup : elle tient à la main la fausse preuve qui fera croire en son mensonge.

Dans la Bible, Putiphar croît au mensonge de son épouse. Dans le Coran, Al-Aziz démasque les manigances de sa femme Zulikha, en observant de quelle partie du vêtement de Yûsuf provient le lambeau arraché.

Les deux versions se rejoignent sur les conséquences : Joseph-Yûsuf passera quelques années en prison.

Mais dans la version coranique, Yûsuf étant innocenté par Aziz, c’est Joseph qui, en quelque sorte, « choisira » la prison, pour échapper à d’autres tentations. Cette variante nous montre la participation volontaire de l’homme choisi par Dieu à un destin qui le conduit au renoncement à la vie ordinaire. Il n’est plus le jouet des desseins du Très-Haut, il va au-devant d’eux, par amour de la justice, par confiance en Son amour.

Car c’est en prison que Joseph vivra l’une des manifestations les plus bienfaisantes de la grâce de Dieu...

Ensemble des six statues du porche de la sagesse
Outre les trois statues de droite déjà citées, à gauche : Salomon, la reine de Saba et Balaam.
Vue d’ensemble du portail Nord

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 Le tableau représentant "Joseph et la femme de Putiphar" (école génoise) provient du site : http://www.gros-delettrez.com
 La photo de l’ensemble des six statues du porche de la sagesse est de Bernard Gasté.
 Les autres photos sont de l’auteur.

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Joseph et la femme de Putiphar
24 mai 2011, par Roland Bontridder

Je réside à Saint Séverin en Condroz (Belgique). Notre village possède une église du prieuré de Cluny consacrée entre 1140 et 1145 (on a retrouvé le sceau de l’évêque consécrateur Albéron Prince-Evêque de Liège dans la pierre d’autel). Donc sous la prélature de Pierre de Cluny qui fit précisément le voyage dans ses prieurés d’Espagne en 1142-1143 et y commandita la première traduction du Coran et de l’Epître d’al Kindi. Il décéda en 1156 après son challenger saint Bernard de Clairvaux avec lequel il s’opposa sur de nombreux points (il défendit le philosophe Abélard contre la vindicte de Bernard et s’opposa à la 2ème croisade prêchée par Bernard préférant étudier d’abord les écrits coraniques) Il n’est donc pas étonnant que l’église contienne un baptistère daté du 3ème quart du 12ème siècle qui réinterprète le baptême en "mixant" un verset de l’Apocalypse et l’Evangile sous la forme de l’art syriaque-andalou. La source scripturaire utilisée par le commanditaire qui mêle la Genèse et le Coran dans la statue de Joseph du portail de Chartre doit donc provenir de Cluny selon toute vraisemblance. Ceci dit, j’ai fait l’expérience de comparer les Chapitres 39 à 42 de la Genèse et les versets 21 à 54 de la 12ème Sourate du Coran. En fait il n’y a aucune contradiction ! Mieux, les deux récits s’emboîtent parfaitement l’un dans l’autre sans devoir changer un seul mot. Grosso modo, il semblerait tout à fait que la Sourate soit le vestige d’un Sermon où le Prophète Muhammad aurait lu ou rappelé la Bible en intercalant ses propres précisions tirées de la Hagadda hébraïque. Le Coran n’aurait retenu que ces précisions, considérant que tout le monde connaissait très bien la version biblique à l’époque. Le verset 111 qui conclut la Sourate précise d’alleurs "il ne s’agit pas d’une version divergente mais la vérification qu’il (le Prophète) avait entre ses mains l’exposé de tout le réel" (traduction du Coran par André Chouraqui) J’ajoute également que la Vulgate latine de saint Jérome était utilisée en même temps que la Septante grecque et ne fut décrétée version officielle de l’Eglise catholique qu’au Concile de Trente. Or on constate une divergence fondamentale au verset 1 du chapitre 39 de la Genèse. L’eunuquat de Potiphar est passé sous silence par la Vulgate latine et non par la Septante. Potiphar était en fait le grand-prêtre sacrificateur eunuque de la déesse Hathor représentée par une femme ou par une vache dans la mythologie égyptienne L’épisode des 7 vaches figure dans de nombreuses fresques de tombeau égyptien. L’exégèse islamique (dont le célèbre Ismail Ibn Kathir) a d’ailleurs conclu que Joseph avait fini par épouser son accusatrice une fois la vérité révélée. Dans le Coran, à la fin de l’aveu de la vérité, elle précise d’ailleurs "je ne me disculpe pas mais toute âme est portée au mal sauf celle qui est éclairée par Allah" D’où représentation du mal tentateur à ses côtés dans la remarquable représentation du portail de Chartre.


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