Des bateaux par milliers !
La Chine à la découverte du monde au XVe siècle
jeudi 1er novembre 2007

par Yéyé


L’histoire se déroule au début de la dynastie des Ming (1368-1644), au sortir de l’occupation de la Chine par les Mongols, occupation initiée par le Loup Bleu Gengis Khan puis le célèbre Kubilaï Khan.

Le premier empereur Ming se nommait Hong Wu. C’était un simple paysan et il mena la révolte contre les Mongols. Avec un de ses fils Zhu Di, il défit Toghon Temur le dernier empereur mongol et détruisit la ville de Kunming dans la province du Yunnan. Des milliers de jeunes Mongols de cette ville eurent alors le pénis et les testicules tranchés et furent enrôlés de force dans l’armée impériale chinoise ou devinrent esclaves. L’un de ces eunuques, Ma He, a qui l’on donna le nom chinois de Zheng He, allait devenir avec ses capitaines parmi les plus formidables navigateurs et explorateurs de tous les temps. C’est une partie de son histoire que relate le livre « 1421, the year China discovered the world » par Gavin Menzies. Ce livre m’a troublé et je souhaite vous faire part ici d’un résumé des passages les plus marquants de l’ouvrage ainsi que de quelques recherches effectuées sur Internet.

Gavin Menzies
L’auteur du livre en question n’est pas un historien de profession. C’est un ancien sous-marinier de la Royal Navy qui a passé une grande partie de sa vie à naviguer sur toutes les mers du globe. Il a donc une expérience de la marine très importante. Il y a dix ans, alors qu’il était à la retraite, il a commencé à s’intéresser à Zheng He et a entrepris des recherches très sérieuses à son sujet. Le livre est donc la synthèse de ses découvertes.

La Chine de Zhu Di

L’empereur Zhu Di

Zheng He fut attribué à la maison de Zhu Di, dont il devint l’un des principaux conseillers. Zheng He était donc Mongol et aussi fervent musulman au contraire de son maître, Chinois, bouddhiste, élevé suivant les principes du confucianisme. La tolérance du second favorisant les compétences du premier.

Après la mort de Hong Wu et le règne de son petit-fils Zhu Yunwen, Zhu Di devint finalement en 1403 le troisième empereur de la dynastie Ming sous le nom de Yongle (Yung-Lo). Il devait régner jusqu’en 1424.

Zhu Di prit alors plusieurs décisions importantes, dont :

 Le transfert de la capitale à Ta-Tu, c’est-à-dire Pékin. Pékin avait été fondée par Kubilaï Khan sous le nom de Khanbalik, mais il manquait aux yeux de Zhu Di un véritable palais digne de lui. Zhu Di décida alors d’entreprendre la construction de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Cité Interdite. Pékin devint la plus grande ville du monde, s’étendant sur 1500 fois la superficie de Londres intra muros à la même époque et regroupant une population cinquante fois supérieure à la capitale anglaise. Les travaux furent colossaux et nécessitèrent 4,5 millions d’hommes qui y travaillèrent, directement ou indirectement, plus un million d’hommes pour les protéger. La Cité Interdite fut finalement inaugurée le 2 février 1421 en présence de nombreux ambassadeurs étrangers.

 La mise en œuvre d’une politique d’expansion navale sans précédent, avec une immense flotte de bateaux, visant à étendre l’influence chinoise au-delà des mers. Zheng He, bien qu’il n’ait jamais pris la mer, fut nommé Amiral de la flotte. 1681 nouveaux bateaux, la plupart en bois de teck, furent mis en chantier. D’immenses forêts furent rasées jusqu’au Viêtnam. La flotte compta bientôt plus de 3750 bateaux, dont 250 vaisseaux trésors, gigantesques jonques de 120 à 150 mètres de long pour cinquante de large et dotés de 5 à 9 mâts. A titre de comparaison, une Caravelle mesurait environ 30 à 40 mètres, le Victory de Nelson à Trafalgar mesurait environ 65 mètres et l’Europe ne construisit des navires de taille équivalente aux vaisseaux trésors que sous Napoléon III.

 La reprise des observations astronomiques, abandonnées par les Mongols. Depuis plus de deux mille ans, les astronomes chinois avaient compilé une masse d’informations énorme leur permettant de prédire, par exemple, les éclipses lunaires et solaires avec précision. C’est en particulier grâce aux étoiles que les marins chinois purent s’orienter et cartographier les terres qu’ils ne tarderaient pas à découvrir.

 La rédaction d’une immense encyclopédie, le Yongle-Dadian, visant à consigner toute la littérature et tous les savoirs du monde connus. 2180 lettrés s’attelèrent à la tâche qui prit la forme de quatre mille volumes de 50 millions de caractères. Parallèlement, Zhu Di ordonna de collecter les écrits et opinions de cent vingt philosophes et sages de la dynastie des Song avec les commentaires des penseurs de XIe au XIIIe siècle, afin de les conserver dans la Cité Interdite.
Là encore, la Chine qui connaissait l’imprimerie, était largement en avance sur l’Europe. En comparaison, la bibliothèque d’Henri V d’Angleterre ne comptait pas plus de dix volumes manuscrits.

 Zhu Di entreprit aussi la restauration des cinq mille kilomètres de la Grande Muraille et l’adjonction de mille quatre cents kilomètres supplémentaires.

L’ensemble de ces projets, menés de front ou presque, mobilisait l’intégralité des moyens de la première puissance mondiale de l’époque.

L’objectif final était la protection de l’Empire et l’extension de son influence extérieure par le commerce ou le système du tribut. Ce système accordait la protection de la Chine à un pays vassal moyennant le paiement d’un tribut et l’intensification des relations commerciales. C’est cette stratégie que Zhu Di voulait développer pour étendre la puissance de la Chine au-delà des mers. D’où la nécessité des vaisseaux trésors, chargés de canons avec leur armée et aux cales pleines de marchandises à échanger.

Les stèles de Chiang-Su et Liu-Chia-Chiang

Portrait de Zheng He

Avant de partir pour son dernier voyage maritime, un pèlerinage personnel à la Mecque, Zheng He fit ériger deux stèles en Chine pour commémorer ses précédentes expéditions. Elles furent découvertes en 1930. En voici le texte :

Stèle de Chiang-Su
Depuis le temps où, au début du règne de Zhu Di (1403-1424), nous, Zheng He et ses compagnons, avons reçu le mandat de l’empereur en tant qu’ambassadeur auprès des barbares, jusqu’à aujourd’hui, sept voyages ont eu lieu. Pendant chacun d’entre eux, nous avons commandé plusieurs dizaines de milliers de soldats et plus de cent vaisseaux. Partis de T’ai T’sang, nous avons pris la mer et rejoint les pays de Chan-Ch’eng (Champa), Hsien-Lo (Siam), Kua-Wa (Java), K’o Chih (Cochin) et Ku-Li (Calicut), atteint Hu-Lo-Mo-Ssu (Ormuz) et d’autres pays des contrées occidentales, plus de trois mille en tout.

Stèle de Liu-Chia-Chiang
Nous avons traversé l’étendue de mers immenses de plus de cent mille lis et nous avons vu des vagues énormes s’élever sur l’océan aussi hautes que les montagnes (tsunamis), et nous avons posé les yeux sur de lointaines contrées barbares, cachées dans la transparence bleue des brumes légères, alors que nos voiles, majestueusement déployées comme des nuages, jour et nuit continuaient leur course, aussi rapide que les étoiles, à travers ces vagues déchaînées.

Cent mille lis font quarante mille milles nautiques, ce qui équivaut à deux fois le tour de la terre. Comme il y eu 7 voyages, l’expédition moyenne parcourait environ 29% d’un tour de terre. Or il semble que six voyages n’aient pas dépassé les limites de l’océan indien, avec les côtes d’Afrique comme point atteint le plus éloigné.

Trois mille contrées font beaucoup plus que l’ensemble des pays de l’Asie et de l’océan indien. Le chiffre est tellement impressionnant que la traduction d’origine de la stèle de Chiang-Su mentionne le nombre de 30 contrées et non 3000, le traducteur et le découvreur de 1930 pensant qu’il s’agissait d’une erreur du graveur de l’époque ou d’une exagération grossière.

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Les illustrations proviennent des pages : http://fr.wikipedia.org/ et http://fr.wikipedia.org/.

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Des bateaux par milliers !
9 octobre 2008, par Célestin

Très instructif cet article sur la période expansionniste de la Chine. Sous la dynastie des Ming le Taoïsme plus libertaire, intuitif et ésotérique commence à s’effacer devant le Confucianisme plus social et devant le Bouddhisme plus collectiviste encore.
On peut dire qu’aujourd’hui la Chine est à nouveau en période d’expansion mondiale et elle prétend même battre l’Occident sur le terrain de la matière grise.
Mais pendant ce temps la moitié de la population vit dans la pauvreté et des millions d’enfants n’ont à ce jour aucun espoir de recevoir une éducation digne de ce nom. Une fondation a été crée par une femme écrivain Chinoise « Mother’s bridge of Love » ayant pour but d’apporter une aide à ces enfants défavorisés et pour créer un point de mutuelle compréhension entre l’Occident et la Chine.
http://www.bldt.net/Om/spip.php?page=forum&id_article=681
Merci pour cette très bonne étude.



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