INDIA-LOG
E-mails expédiés au cours de 5 mois de voyage en Inde

 

Date :
Objet :
De :
A :

 

 

29 octobre 2008 - 7h37
Bodh Gaya
jp guillot
un ami

 



Pour revenir au message précédent…

Après 14h de train sur le Puri/Delhi – dont 9 à dormir dans ma polaire en couchette supérieure sous a/c [1] glacial, les autres heures partagées entre causette avec voisins et lecture du roman de Amitav Gosh, "The Glass Palace", très bon - et une demi-heure de rickshaw [2] depuis la gare de Gaya, j’arrive dans la Rome, La Mecque, la Jérusalem du bouddhisme.

Depuis trois semaines, je n’avais pas croisé un seul touriste. Ca change ! Mais il y a définitivement un "esprit du lieu". Et des îlots de grand calme, ce dont j’ai bien besoin.

Et j’ai atteint ce qui est le plus approchant de la Chambre Idéale : rien de suspect sur la literie, pas de maculatures au bas des murs ni d’objets entomologiques alarmants, et - luxe suprême - une douche d’eau chaude, de la vraie, si bonne et abondante que j’en ai une érection, c’est dire !

Bodh Gaya est un village plutôt calme où sur moins d’un km2, on peut faire le tour de l’esthétique et des rituels bouddhistes contemporains.

Chaque pays est représenté par un temple :
 Le tibétain, mystérieux, surchargé d’une déco spectaculaire et dramatique surgie d’une imagination torturée (d’où la fascination que ce bouddhisme exerce en Occident ?).
 Le bhoutanais, élégant de proportions, à l’ornementation à la fois savante et naïve, respire l’équilibre et la sérénité.
 Le thaï, avec l’envolée de ses toits recourbés, est aérien, scintillant de ses ors et de ses miroirs.

Mais c’est dans le temple japonais que je me suis le mieux trouvé car le seul où l’on puisse s’asseoir et vraiment méditer. Son Bouddha austère impose silence, immobilité, concentration, toutes choses qui mettent les visiteurs hindous mal à leur aise. Pour eux, des gens de la campagne pour la plupart qui déboulent par floppées de cars bondés et veulent tout voir vite fait, Bouddha n’est qu’un avatar de Vishnou, une déité comme tant d’autres devant laquelle ils approchent, mains jointes et s’inclinent. Mais dans ce temple, il n’y a finalement pas grand-chose à voir ni à recevoir, ni puja, ni prasad, ni bindu [3] vermillon à se poser sur le front. Alors ils repartent un peu déçus, en bavardant à haute voix, voire en téléphonant. Ce n’est pas par sans-gêne. Ils ignorent seulement le prix du silence car pour eux, dans un temple, ça doit aller, venir, pulser, tonner. Les dieux hindous ne se laissent approcher que dans la presse et le brouhaha.

Dans l’enceinte du Temple de Mahabhodi, Thaïs et Tibétains dominent.

Les Thaïs tout de blanc vêtus, viennent en force et sont rigoureusement organisés : masques pour se protéger des miasmes et de la poussière, feuilles de plastique dépliées avant de s’asseoir sous l’Arbre de la Bodhi, distribution de brochures de prières, officiant muni d’un mégaphone, liasses de billets neufs de 10 rps pour la distribution aux pauvres alignés à l’entrée, et vite vite nos œuvres pieuses faites, revenons dans la sécurité de notre autocar blanc et a/c [4]. Le soir, ils viendront méditer sur une plateforme, mais afin que les insectes ne viennent pas perturber leur méditation, ils se zippent dans une tente moustiquaire en forme de petit stupa.

Les Tibétains se répartissent sur les pourtours du temple pour accomplir leurs prosternations face à l’Arbre de l’Eveil. Cela consiste en une version rapide et simplifiée de Surya Namaskar (salutation au soleil) qui tient à la fois du plongeon et de la position du surfeur avant la vague. Debout sur sa planche l’orant joint les mains, s’agenouille et s’allonge de tout son long, les bras tendus en avant, puis se relève et recommence le cycle en une succession ininterrompue. Épuisante gymnastique qui doit se répéter des milliers de fois si le pèlerin veut acquérir des mérites et la maîtrise de son corps et son esprit (certains pèlerins sont même équipés d’un compte-tour manuel). Heureusement qu’un matelas adoucit le contact du ventre avec le bois et que des coussinets facilitent le glissement des mains.

Cette curieuse action d’adoration ressemble d’assez près à la profession disparue des cireurs de parquet.

Pour découvrir ci-dessous le lien vers l'e-mail suivant...

Pour laisser un commentaire à la suite de cet article

Pour consulter le forum lié à cet article

jp guillot

Mes photos du jour
(Cliquer sur les vignettes.)

Prosternations de Tibétains dans l'enceinte du temple de Mahabodhi Temple de Mahabodhi de nuit Intérieur du temple bouthanais


[1a/c : a pour air, c pour conditionné

[2Pour consulter la page de Wikipédia sur rickshaw...

[3Bindu = point

[4a/c : a pour air, c pour conditionné


Les photos de cette page ne sont pas libres de droits. Elles appartiennent à l'auteur. Elles peuvent cependant être utilisées à des fins non-commerciales avec son autorisation. Pour le contacter, cliquer ici...

Cette page a déjà été visitée 1508 fois.


E-mail précédent...

Pour revenir à la page principale...

E-mail suivant...
Nous voilà partis pour 5 mois de voyage en Inde durant lesquels nous allons recevoir de temps à autre un mail de jp guillot.
Pour ne rien manquer et être informé par une rapide annonce dans votre boîte aux lettres de la mise en ligne du prochain message,
inscrivez-vous à : "La Lettre des Baladins de la Tradition" ou retrouvez-nous sur "Facebook".

D'autres articles du site à consulter sur les thèmes traités ici :

Arbre
La fête de Boddhi
Le vieil homme de Notre-Dame
Le roi David à Sornay
Humilité, demeure !
Le sapin de Noël

Bodh Gaya (Inde)
Gaya

Bouddha
Courtes méditations sur les thèmes du Livre et de la Lecture
Bouddha
Du carbone au diamant
Amma
"Maitreya, le Bouddha futur"
"Ecologie et Spiritualité"

Bouddhisme
Meditation vipassana
Grottes de Barabar
Au monastère Root
Raymond Bernard : "ce village global, universel qu’il faut réaliser"
Pratiques de méditation
Alexandra David-Neel : un nouvel ouvrage remarquable
"Gestes et Symboles du Bouddhisme"

Méditation
24h de méditation pour la Terre (16h-17h)
Arrivée à Bénarès
Farniente à Kannur
24 h de méditation pour la Terre (9h-10h)
Souvenirs imaginaires d’Henry Lansdown
"Pour méditer comme une grenouille"
"We Are Ocean"
24 h de méditation pour la Terre du 1er au 2 novembre 2015

Pèlerinage
Voyage symbolique en compagnie de la cigogne
Méditation sur un verset du Qôran
Le Bâton
Oublie tes livres, Pèlerin !
Il y a des lieux qui t’appellent à eux...
"Le Voyage alchimique" : sept DVD à découvrir !
"A la découverte de l’ancien pèlerinage de saint Denis !"

Prière
"Le silence"
Départ de Bruno
Souvenirs imaginaires d’anonymes (3)
Le labyrinthe de Chartres : miroir du Sentier
Pour découvrir la suite...
Une nuit de prière pour les victimes de la torture

Rituel
Le rituel de l’Abishekam
La Théologie apophatique
Swami Premananda : la libération
Festival des lumières
« Le Bout du Monde »

Soleil
Les symboles de l’aléthiomètre
A propos du Sillage de Lumière...
A la Rencontre de l’Incroyable !
Enigme à Tarascon
Lumière de Compostelle

Temple
La pierre de Lanleff
Le menhir dans la forêt
Purî et Konârak
Le temple du Champ de Mars
Portrait de Maïtreyi Amma

Il y a actuellement 2 contribution(s) au forum.


Bodh Gaya
5 novembre 2009, par M.G.

"La chute" sur les cireurs de parquet est excellente vraiment ! Que d’humour ! C’est bien agréable.Ne pas manquer de découvrir Amitav Gosh,le romancier anthropologue dont Jean-Pierre nous parle ici.
 :
Extrait d’une interview dans le Monde datant je crois de 2004 :

"Quelle place donnez-vous à la littérature indienne dans le monde ?

A. G. : La première. Je regarde mes contemporains et, très honnêtement, je crois qu’il serait difficile de nommer un groupe d’écrivains qui soit plus productif et plus stimulant. On me demande souvent pourquoi les gens s’intéressent tant à la littérature indienne à travers le monde. Je dirais : nous n’avons pas peur de parler des émotions, des passions humaines. Voilà ce qu’il manque au roman américain de nos jours. Toute cette ironie, ces acrobaties, ce bric-à-brac postmoderne, quel ennui ! Je ne les lis même plus. "
On peut lire avec bonheur d’autres romans de cet auteur en dehors de "The Glass Palace" : Le chromosome de Calcutta, Point, 15/02/2007
Le pays des marées, Robert Laffont, 20/04/2006
Compte à rebours, Philippe Rey, 15/10/2004
Le Palais des miroirs, Seuil, 18/06/2004
Un infidèle en Egypte, Seuil, 01/03/1999
Les feux du Bengale, Seuil, 12/09/1990

L’automne 2009 était un été indien mais la rentrée littéraire regorge de romans indiens de qualité : quelques auteurs : Arundhati Roy, Rohinton Mistry ,Anita Nair.
Le denier roman de Rohinton Mistry "L’équilibre du monde" :me semble particulièrement bien.
N’hésitez pas à visiter cette page :
http://livre.fnac.com/a1183788/Rohinton-Mistry-L-equilibre-du-monde?PID=1



Pour ajouter un nouveau commentaire à cet article

 


Accueil - Alphabétiquement vôtre - Sur les Routes - Horizons Traditionnels - Champs du monde - Plan du site
Copyright © 2002/2024 - Les Baladins de la Tradition