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La praxis
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Cet article fait partie d’un texte intitulé : "Initiation". Quels exercices peuvent nous permettre de cultiver ce jardin secret ? L’intériorisation, la méditation, le silence, la solitude. Des étapes ? Il y a dix-huit siècles Cassien disait : « On passe d’abord du paganisme à la foi puis de la foi à la connaissance ». Ce schéma peut nous aider à percevoir trois stades, trois degrés d’évolution qui nous sont proposés par le processus initiatique sans être pour autant obligatoires. Précisons ces trois lieux de passage indiqués par Cassien : disons que le paganisme est l’attachement à des idoles magiques, à un dieu à craindre car terrible, courroucé, vengeur et triant entre paradis et enfer les bons et les méchants. Etape un de l’homme ordinaire qui a pourtant perçu une force qui domine et guide la création vers une finalité mystérieuse. Le stade de la foi est celui de l’amour pour un dieu qui est encore autre, anthropomorphe, extérieur. Un amour Eros. La connaissance sera cette étendue expérimentale dont nous vous entretenons ici. Il est important de se souvenir que le chemin initiatique est une voie apophatique c’est-à-dire négative. C’est le lieu où l’on découvre ce qui n’est pas. Le lieu où les constructions du mental tombent les unes après les autres. Une route qui mène de désillusion en désillusion, de commencement en recommencement, une voie d’épuration jusqu’au « néant suressentiel » dont parle Maître Eckhart. Tu t’y engages pour connaitre la raison des choses mais, comme dit Angelus Silesius « La rose est sans pourquoi » et c’est bien le non-pourquoi qui est la réponse finale, absolue, la seule qui ne renvoie pas à d’autres questionnements sans fin. Il est donc indispensable d’abdiquer tout vouloir, de lâcher prise et c’est sans doute le plus long, le plus dur de tous les travaux. Est-il seulement un jour où l’on y parvient définitivement ? Car, sans cesse, les têtes de ce monstre repoussent. Une première étape te conduira à choisir pour maître un homme ou un corpus dont tu pourras dire : « C’est de l’intelligence pure ; il pense comme moi ! » et tu lui prêteras le dogme dont tu participes. Ainsi celui qui adhère au dogme de la réincarnation, par exemple, verra cette croyance jusqu’au sein de la doctrine Bouddhiste. (Mais aucun Bouddha ne s’en offusquera). Si tu poursuis le travail un peu plus avant, le plâtre de l’illusion commence à tomber et les certitudes dogmatiques s’érodent comme le rocher dans la mer ; le Tout Autre te polit. Cette phase est assez dure à vivre car elle peut te sembler une régression. Tu ne sais plus rien de certain et cela est assez inconfortable. Les pseudo certitudes laissent place au vide souverain. C’est une complète remise en question. Cette mort du « moi » et de sa propension à construire des théories en dur sur le sable ouvre la possibilité à l’Expérience de l’Être et la découverte du Maître intérieur. Nous travaillons avec l’être, mais c’est du non-être dont nous avons l’usage. Ainsi, le Maître n’est pas celui qui te confirme dans tes convictions, tes croyances : il est celui qui encourage le doute. Pour cela il est indispensable qu’il ne soit pas lui-même enfermé dans des présupposés dogmatiques. N’attends pas du chemin initiatique qu’il te conforte dans tes certitudes ; tu en resterais si éloigné qu’il te serait impossible d’en apercevoir même le début ! Dans la tradition occidentale il est une autre illusion à éradiquer ; celle de la perfection. Le chemin ne conduit pas à un homme parfait mais à un homme toujours en chemin. Il n’est pas de lieu ou d’état qui permette de se croire arrivé. Ce point serait encore de l’ordre du dogme, de la croyance. Ainsi tu ne peux te décourager si tu ne l’atteins pas, sachant qu’il est un mirage parmi d’autre qui recule à mesure de ton avancée. Sur la voie initiatique, il n’est ni grade ni degré. Il faut avancer, tailler sa pierre, ce qui a toujours signifié retirer, ôter de la matière et non en ajouter. Il faut avancer toujours plus avant dans la « nuée obscure » vers le « nuage d’inconnaissance ». [2] Mais que restera-t-il à la fin ? Sans doute rien. Rien, ou ce que Maître Eckhart nommait « Néant Suressentiel » et que dans d’autres traditions on nomme « En Soph ». Le dévoilement te montrera sans doute qu’il n’y avait rien, pas même de voile ; « Tu es à toi-même ton propre voile » dit le Shaykh Abd El Kader et il n’y avait que la maya. Pour lire la suite de ce texte : "Transmettre ? " |
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Les illustrations proviennent des sites :
[1] Tao Te King 11 [2] Références à deux ouvrages initiatique occidentaux bien connus. |
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