La Théologie apophatique
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7 juin 2012, par Paul
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Au chapitre 17 des Actes des Apôtres se trouve sans doute la source de cette théologie avec mention de Denys l’Aréoagite et les arguments de Paul devant les Athéniens.www.biblia-cerf.com/BJ/ac17.html L’apôtre lorsqu’il parle du Dieu Inconnu. Cette mystique est celle du Nuage de l’Inconnaissance pour faire référence à un texte anonyme anglais du Moyen Age intervenant dans la querelle des actifs et des contemplatifs que le Dominicain Bernard Durel redécouvre présente, commente et médite dans un livre paru en 2009 aux éditions Albin Michel .Il dit :"La mystique du Nuage de L’Inconnaissance appartient essentiellement à un temps de détresse, c’est sans doute pour cela qu’elle nous touche aujourd’hui. Le 14ième siècle, est une époque terrible.C’est le siècle de la guerre de Cent Ans, celui de la Grande Peste, qui entraîne des pertes humaines considérables dans toute l’Europe. Partout les rivalités incessantes entre le pape et les souverains font naître des troubles. Les conditions de la Réforme sont déjà largement présentes : corruption, perte de crédibilité de l’Église (il y a deux papes, l’un à Rome, l’autre à Avignon). Cette époque est marquée par une plus grande accessibilité aux textes sacrés, grâce à leurs traductions en latin ou en langues vernaculaires. C’est le cas des écrits mystiques attribués à Denys l’Aréopagite qui forment la référence centrale du Nuage. Cette mystique, explique Bernard Durel (p. 35) « distinguait entre Dieu en lui-même, (ousia) et Dieu dans ses biens, ses manifestations, ses actions (energeia). Dieu en lui-même est inconnaissable, et c’est sur ce socle-là que repose la démarche de notre texte. Être en route vers Dieu en lui-même, c’est être en route vers le « nuage de l’inconnaissance » — chez Eckhart, la « Déité » [...] Le Nuage nous propose un itinéraire pour aller vers l’au-delà de tout (comme d’autres mystiques, par exemple La montée du Carmel de Jean de la Croix) et il faut s’équiper pour ce chemin, d’un équipement différent de celui dont on a besoin pour connaître les énergies de Dieu. »" Voir la présentation de Christian Lippinois sur le site de la revue Littéraire & Artistique Temporel.
temporel.fr/Le-Nuage-de-l-inconnaissance-par
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La Théologie apophatique
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15 janvier 2010
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A propos de Nicolas de Cues, il est postérieur au Maître du Thuringe. Mais ne peut on dire que le mystique véritable de toutes les époques et de toutes les traditions vit sous le regard de Dieu ?
"Seigneur, voir, pour Toi, c’est aimer et de même que ton regard se pose avec attention sur moi sans jamais se détourner de moi, de même ton amour. [...]
Tant que je suis, Tu es avec moi.
Et comme voir pour toi, c’est être, alors je suis parce que Tu me regardes. » Nicolas de Cues.
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La Théologie apophatique
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4 juillet 2008, par GUNTHER
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Il y a une très belle évocation de Maître de Thuringe dans le premier tome du roman de Renaud Chantefable : "L’héritière des templiers." ed. du Rocher 1999.
Il y fait un sermon dans une petite église de prêcheurs Dominicains à Cologne...à faire tomber en pamoison des damoiselles trop émotives :
" Lorsque j’ai traversé le cloître pour venir ici, commence-t-il sans ambages, je pensais qu’il valait mieux ne pas venir : l’amour rendrait mes yeux humides. Avez-vous jamais pleuré d’amour ? Si cela vous est arrivé-il vaut mieux ne pas poursuivre. Joie et peine viennent de l’amour, joie et peine sont dons s de Dieu....Le chien est un animal sans intelligence, poursuit le prêtre. Il est si fidèle à son maître qu’il déteste ses ennemis et qu’il révère ses amis sans considération d’honneur ou de richesse. Son maître est-il l’ami d’un mendiant aveugle ? Il aimera le mendiant aveugle plus qu’un roi ou un empereur. Celui-là aime véritablement qui aime avec les yeux de l’aimé et non avec les siens. Je vous le dis en vérité : s’il était possible qu’un chien soit à moitié infidèle à son maître, il se haïrait lui-même avec l’autre moitié....C’est ainsi qu’Isabeau a entendu pour la première fois prêcher maître Eckhart. Elle reviendra souvent chez les dominicains et se rendra compte que c’est d’amour divin que ce vieil homme parle avec plus de feu qu’un jeune troubadour."
Pouvez-vous me dire si ces paroles sont proches du discours du Maître Eckhart ?
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La Théologie apophatique
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28 septembre 2007, par Saül
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Bonjour.
Cette étude sur Maître Eckhart ,je viens d’en faire la lecture en suite de la non moins passionnante étude du même auteur sur Elie et voudrais saluer l’excellence de ton et de fond.
Ce travail mérite des éloges et attire des commentaires. J’ai cru constater que sur ce site un effort éditorial immense est peu suivi en matière de prolongations sur les forum,c’est surprenant, mais il y a en marge de cet article-ci assez de réponses pour que j’ose en ajouter une sans craindre de me singulariser sur un site où je suis un simple visiteur.
Une seule remarque donc : Certes faire remonter la théologie apophatique au néo-platonisme est défendable ,illustrant un propos sur le Dieu inconnaissable mais il est plus pertinent peut être pour notre époque en recherche de dialectisation entre la foi et le raison de la situer dans la mouvance de Nicolas de Cuse dont vous faites Abd All Haq une émule de Maître Ekhart. C’est ce que fais Jean-Claude Guillebaud dans son essai « Le Goût de l’avenir ».Cet auteur, précisions de nature à satisfaire l’orientation de ce site aux sympathies maçonniques non dissimulées a reçu le prix Siloë et le prix humaniste de la Franc Maçonnerie pour ses deux dernières publications « La force de conviction » et « Comment je suis redevenu chrétien ».Je m’autorise une large citation :
« Cette volonté augustinienne, puis Thomiste, de conjuguer la raison et la foi ne va pas sans péril. Elle peut déboucher sur différentes formes de dogmatismes. Le premier consiste à enrôler de façon trop exclusive la vérité au service de la foi pour « accoucher » d’une religion au sens contraignant du terme. C’est ce péril et cette possible intolérance que mirent en évidence , au sein de la chrétienté, les tenants de ce qu’on appelle la »théologie négative » - dostoïevskiens avant la lettre_ dont le protestant Karl Barth fut l’héritier moderne. La dite théologie négative trouve sa source les réflexions d’un humaiste du XV e siècle, Nicolas de Cuse, qui fut Cardinale légat à Constantinople. Pour lui, faire de Dieu une déduction de notre raison, c’est succomber à l’idolâtrie. C’est en réaction contre cette tentation que Cuse élabora le concept de Docta Ignorantia ( docte ignorance), concept « modeste » dont il fait la source d’une tolérance ouverte aux autres croyances. Pour cette raison, Cuse est sûrement le penseur chrétien le plus cité ( positivement) par les Bouddhistes. » « Le goût de l’avenir, chapitre : 8 Entre savoir et croyance/La conversion intérieure p. 260 ; » Jean-Claude Guillebaud.
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La Théologie apophatique
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29 septembre 2007, par Dominique
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Tout ça, aussi intéressant que cela puisse être, c’est du bla-bla-bla de lettré chinois.
Comprend tu pourquoi Boddidharma a inventé le bouddisme Ch’an ?
Tu sais, c’est l’histoire du disciple qui demande au maître ce qu’est l’illumination. Pour seule réponse, le maître, en un éclair, tranche un doigt du disciple avec un couteau... et le disciple, tellement choqué par le geste, obtient instantanément l’illunination... Méthode radicale pour accéder au Vide......
Autrement le prix de JC Guillebaud est attribué par les Cathos de Siloë et les Maçons, mais c’est la Maçonnerie française.Abd Al Haqq tu aurais pu le remarquer milite pour la Franc- Maçonnerie régulière ou anglaise dans tous ses articles.
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La Théologie apophatique
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2 octobre 2007, par Saül
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Je voulais te dire des petites choses Dominique si Abd Al Haqq veut bien,puisqu’il nous donne l’occasion d’échanger ainsi. D’abord tu exagères toujours mon vieux ! Je ne vois pas Abd Al Haqq militer pour la FM régulière dans tous es articles comme tu dis. Tout au plus fait il une discrète allusion quelque part mais là où tu n’as pas tort, peut être ce que tu as voulu dire en fait c’est qu’il la respire la Maçonnerie régulière et ce dans le meilleur d’elle-même. Derrière ta remarque il y a ta perplexité paralysante. Ce que je veux te dire à ce sujet c’est ça. L’initiation est choix décision engagement ou retrait. Le mur de Berlin entre les deux grands courants de la Maçonnerie n’est pas voulu consciemment par ceux qui le construisent mais il impose au chercheur un acte de décision d’engagement aussi arbitraire qu’il puisse être dans la plupart des cas il est déjà formateur. Le choix qui est le mienle même que celui de l’auteur de cet article a été longuement médité mais il est pour prendre une image qui va te plaire un noeud gordien que j’ai tranché. Celui qui est travaillé par les forces de l’esprit est en mesure de s’engager d’entrer dans un mouvement mais aussi de le quitter car la loi de son être le pousse sur le champ de la bataille. Il a des possibilités multiples de se positionner sur le grand échiquier. S’il quitte parfois le terrain ce n’est jamais pour fuir mais parce qu’on ne s’y bat pas assez, pas vraiment alors il se sépare de certains compagnons à regret mais afin de continuer à remplir son rôle ailleurs car une vie passe si vite La contre initiation en cette époque vicieuse a ses entrée sur toutes les bases de rassemblement des forces spirituelles. On ne peut s’attendre à trouver la perfection mais il importe de bien définir ce que l’on cherche. Il faut avoir un idéal bien formé et ensuite chercher à le faire vivre là où on oeuvre. Pour ma part il était indispensable de rejoindre un mouvement universel c’est dans l’universel qu’on peut être français ou chinois....mais pas dans le refuge impossible à l’intérieur d’une exception française qui devient une exclusion française où on s’exclue et où on exclut aussi les autres. J’ai donc tranché ainsi car il y avait bien du pour et du contre sur différents points. Mais ton histoire de doigts coupé alors ! Comme tu exagères !Je me souviens d’avoir entendu une histoire de ce genre racontée par un Maître français que tu connais mais il était question d’une grande baffe et non d’un doigt coupé. Ce maître nous avait dit à l’époque qu’il ne fallait pas compter sur lui pour employer de telles méthodes. Mais je n’ai pas atteint non plus l’illumination et me voilà donc en train de bablater. J’espère que c’est quand même un peu utile. J’aimerais mieux attendre l’illumination arriver devant mon créateur tel qu’il m’a fabriqué en entier avec mes dix doigts et même le numéro 11. Là je n’ai jamais bien compris le geste d’Origène...
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La Théologie apophatique
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29 septembre 2007
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Cher Saül,
J’apprécie beaucoup votre contribution au débat et les références que vous apportez. L’oeuvre remarquable de l’évêque de Cuses est en effet une étape importante pour la théologie apophatique. Je m’y reporte souvent et j’y trouve une matière dense et profonde qui enrichie ma réflexion. Mais je crois sincèrement qu’il est possible de faire remonter l’apophatisme à des auteurs beaucoup plus anciens ; des philosophes préchrétiens entre autre. Je ferais également référence à votre illustre homonyme, Saül de Tarse, alias Saint Paul qui dans son apostrophe à l’aéropage parle de ce Dieu inconnu. Il n’ira certes pas très loin sur ce chemin mais s’il fait cette référence on peut légitimement penser, qu’en bon connaisseur de la pensée héllène il part d’une doxa déjà élaborée par ces derniers et bien connue de ses interlocuteurs
Encore merci pour cette riche participation et au plaisir de vous lire à nouveau.
Abd al Haqq
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La Théologie apophatique
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1er octobre 2007, par Saül
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Saül de Tarse en effet cher Abd All Haqq, nous a fait faire un grand pas, mais est-ce un pas en avant ou un pas biaisé ? Son dieu inconnu est celui d’une absence déplorée sur l’aréopage par Saül le Juif et Saül le Grecque. Le Christ Verbe était donc en attente mais l’apôtre nous enferme dès le début du Christianisme dans un Dieu trop connu venu abolir les Mystères , une prison dogmatique et une théologie rabâchée dont nombre des penseurs mystiques ou de philosophes chercheront à s’affranchir ensuite ou tout au moins à sortir de l’impasse..Or tel nous pensons le dieu, tel nous pensons l’humain Nietszche se bat autant contre le dieu trop connu que contre l’humain trop humain. A trop faire le dieu incarné on a fait le petit homme. Pourtant la théophanie du Christ et de quelques autres fils de Dieu ne peut totalement se substituer au dieu inconnu c’est à dire ou autrement dit rien ni personne ne peut assumer l’inconnaissable de Dieu puisque le seul Dieu qui nous reste est cette part d’inconnu de nous même qui nous aspire vers l’avenir ou de Devenir.
La théologie Apophatique au moment où les pensées Bouddhiste et Hindoue viennent revivifier notre occident sur le déclin me semble la seule encore possible (Je pense aussi à cet texte de Krishnamurti qui a marque la jeunesse :
« Se libérer du connu »).et c’est pourquoi j’ai voulu citer JC Guillebaud dans cet extrait de son livre le goût de l’avenir. René Guénon que je respecte laboure le champ de la Tradition Primordiale comme si tout était situé en amont. Mais le passé ne se justifie à mes yeux que pour mieux fonder l’avenir où sinon nous ne faisons que regarder arriver les effondrements,les catastrophes, aucune action n’est plus possible. Nous devons agir mais la Connaissance nous apprend à agir de plus en plus au niveau de la causalité, du monde des causes quand nous croyons agir et ne faisons que réagir. Mon frère Dominique à qui je vais répondre aussi me dirait : Causes toujours ! Merci encore pour vos articles cher Abd All Haqq.
Site : Causes toujours !
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2 octobre 2007, par Abd al Haqq
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Certes, cher Saül, la référence était "un peu biaisée". Il n’en reste pas moins que dans bien des traditions antérieures au christianisme on retrouve cette tendance apophatique. Elle est donc aussi vieille que les "cherchants" et aussi naturelle à l’humain que l’est la tendance à s’encombrer avec un matériel intellectuel inutile.
Cordialement
Abd al Haqq
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3 octobre 2007, par Saül
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Votre réponse n’était pas du tout biaisée en tout cher Abd Al Haqq cas mais la doxa paulinienne héritière d’une certaine doxa antique la renforce au point d’être percue parfois comme une catastrophe métaphysique.Vous défendez la mystique pure c’est bien la seule qui me parle totalement amoureuse Présence.
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La Théologie apophatique
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28 novembre 2008, par Paddy
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"René Guénon que je respecte laboure le champ de la Tradition Primordiale comme si tout était situé en amont"
Je ne crois pas que R. Guénon laboure quoique ce soit car cela suppose qu’il ai eu une vision horizontale ce qui est inimaginable pour cet homme pétri de métaphysique pure. Je ne pourrais que vous conseiller de le lire et de le relire.
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4 décembre 2008, par Célestin
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René Guénon est au nombre de ces Maîtres dispensateurs d’une volonté « immuable et nue » qu’on ne doit se priver d’invoquer en renouant avec les stratégies d’accomplissement des Grands Temps au niveau non seulement métaphysique et mystique dans la lignée des Maîtres Rhénans mais au plan d’une véritable (et oh combien souterraine !) métahistoire. A ce titre il convient de le lire et de le relire voire surtout de le réactiver. Nonobstant, d’autres grands laboureurs ont passé que nous gagnerions à connaître. L’évocation métaphorique du laboureur en parlant de tels auteurs et de tels acteurs du monde de la Tradition n’est pas une mise à plat horizontale bien au contraire car cet « ouvrier agricole » est celui qui par son travail intense permet à la terre de donner vie tant que les graines sont d’aussi bonne qualité que la terre. C’est donc de champs spirituels que nous parlons mais on devrait convaincre les « horribles travailleurs » Rimbaldiens qu’il s’agit là des seules travaux préliminaires. Tout reste encore à faire et je ne suis pas certain quant à moi que Guénon ai eu le temps de faire autre chose que « labourer ». C’est pourquoi la seule lecture de Guénon de Maître Eckhart ou d’autres Maîtres de la métaphysique me semble constituer une posture trop figée dans l’attente pour ne pas dire passive, car elle reste défensive quand bon nombre d’entre nous ont le sentiment d’avoir déjà commencé à déployer l’amorce d’une véritable contre offensive.
A titre d’exemple voici ce que dit un auteur au sujet de la mission de G. I. Gurdjieff : « Car tout se passe comme si, mandaté par de très hauts concessionnaires, G.I. Gurdjieff s’était rendu en Europe occidentale avec la mission de labourer secrètement le champs spirituel lui permettant d’y installer, ultérieurement, un groupe de réception, de présence et de protection rapprochée, un groupe de témoignage à l’intérieur duquel il eût été prévu qu’un jour, quand les temps eussent été accomplis, quelqu’un de très libre et de très grand se laisse apparaître et entame une carrière d’éveil révolutionnaire, de délivrance et de salut de dimension cosmologique tout à fait ultime. ». Mais peut être que ce sentiment là n’est rien qu’un leurre « occupationnel » pour ne pas tomber. Peut être, oui, qui sait le poète Allemand Hans Carossa que nous devrions écouter car je me demande si n’est pas cela, exactement cela à couvert que font « Les Baladins de la Tradition » avec leurs innocentes petites énigmes ….
: « Et si tu trouves des traits gravés dans les pierres sous la poussière des routes, foulées par des pas innombrables - nul ne sait plus que ce sont des Runes Sacrées, elles avaient jadis grande signifiance et maintenant tous ont désappris le chant qui donnait à ces signes une vivante puissance magique- alors ne montre pas tes larmes !
Recueille ces trouvailles et consacre-les silencieusement au Royaume des Mères. Là, ce qui fut abandonné peut se reposer dans l’attente d’une forme nouvelle ; jusqu’au jour où, une autre jeunesse en rêve de nouveau.
Cacher et conserver, c’est aux sombres époques de reversement l’unique office sacré. »
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4 décembre 2008, par Paddy
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Merci Celestin pour cette réponse digne d’un coeur vivant. Ce magnifique texte est pour moi, dans ce qu’il exprime au fond, comme un miroir qui ne m’autorise aucune complaisance.
Il me semble avoir été un peu présompteux, je vous remercie de me l’avoir montré.
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La Théologie apophatique
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13 septembre 2006, par Karol
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Votre article Abd Al Haqq est très bon mais vous conviendrez peut être que : si selon le saint Coran il est dit que Dieu est plus proche de toi que la veine jugulaire, le septique lui aura des raison de croire que Dieu est bien loin de l’artère carotide si j’en juge par cette histoire trouvée sur internet :
"Voulant vérifier l’existence de Dieu, un homme est descendu dimanche dernier dans l’enclos des lions du Zoo ukrainien de Kiev à l’aide d’une corde. Selon le porte-parole de la police de Kiev, l’homme de 45 ans s’est ensuite dirigé vers les lions en criant "Dieu me sauvera s’il existe !" et en montrant des signes d’agressivité. Selon lui Dieu ne permettrait pas aux lions de le blesser. Malheureusement, les lions n’ont pas hésité à lui trancher l’artère carotide."
Quel Dieu bien étrange situé si loin entre une veine et une artère !
Mais ce qui me surprend dans votre texte c’est cela :
Comment pouvez-vous définir Maître Eckhart en tant que père de la théologie négative ou apophatique alors que vous avez dit juste avant que pour lui la négation nous ouvre les portes de l’enfer...Maître Eckhart est l’esprit qui hante la philosophie allemande, mais tout le monde ne sera pas en accord avec vous pour affirmer que son génie culmine à ce point par rapport à tant de si grand penseurs.
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La Théologie apophatique
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15 septembre 2006, par Abd Al Haqq
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je vous concède volontier que l’exemple que vous nous relatez est une preuve sérieuse si non définitive de la mécréance des lions... Surtout lorsqu’ils sont affamés...
Dire que Maître Eckhart est le père de la théologie apophatique est en effet un peu exagéré, pour le moins. Car la "voie négative" était déjà connue dans l’antiquité. Bien des auteurs en témoignent.
En ce qui concerne le sommet de la pensée que représente le Maître de Thuringe, enfin pour moi, il faut que je vous dise que la pensée occidentale a, toujours selon moi, marqué le pas depuis le XIIIème siècle. Rien de bien puissant à partir de cette époque. L’occident chrétien est entrée dans une lente régression depuis et, concentrant ses efforts sur le plan technique ne s’est pratiquement intéressé qu’à l’humain. Cette préocupation antropocentrée, disons nombrilique a fait perdre de vue le cosmos et la méthaphysique. Il me semble, en effet que plus l’humain progresse en technique plus il perd de son "humanitude"... Est-il plus heureux sous un ciel peuplé de satellites que sous des cieux qui lui témoignent de présence de l’Un ? Chacun répondra, pour lui-même, en son fors intérieur.
Cordialement
Abd al haqq
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La Théologie apophatique
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18 septembre 2006, par Karol
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her ami je vous remercie de cette réponse .Pourtant je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous .L’histoire de ce pauvre bougre comporte une autre morale à mon humble avis voyez-vous. Car que dire de Sainte Blandine dans ce cas ?
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Blandine
Sainte Blandine de Lyon est une fidèle d’origine levantine ou plus probablement micrasiate de la première communauté chrétienne de Lugdunum (Lyon). Elle succomba durant le mois de juillet 177. Fête le 2 juin (synaxe de tous les martyrs de Lyon, jour de la mort du premier d’entre eux l’évêque Pothin, usage occidental) et le 25 juillet (Blandine seule, usage oriental).
À l’origine esclave romaine, elle se joint à la communauté chrétienne. Blandine et ses 47 compagnons (dont l’évêque de Lyon, saint Pothin) sont les Martyrs de Lyon en 177 qui sont mort soit asphixiés dans la prison de Fourvière (actuel Antiquaille), soit livrés aux bêtes en spectacle dans l’amphithéâtre des Trois Gaules (actuel jardin des Plantes).
D’après Eusèbe, évêque de Césarée, qui a rapporté les faits dans son Histoire ecclésiastique, les lions refusèrent de dévorer sainte Blandine lors de son martyre. Elle fut torturée et dut assister à la mort de ses compagnons. Elle fut ensuite flagellée, placée sur un grill brûlant, puis livrée dans un filet à un taureau qui la lança en l’air avec ses cornes. Ayant survécu au taureau, sainte Blandine fut achevée par le glaive. Elle fut la dernière immolée des 48 martyrs de Lyon de l’été 177.
Sainte Blandine est la patronne de la ville de Lyon. Elle est aussi patronne des servantes avec Marthe.Histoire du catholicisme en Franc"
Je penche donc pour dire que la orale de cette histoire c’est la bonne compréhension des loi divines .On ne vas pas être sauvé en défiant Dieu de la sorte, ça ne marche pas et c’est con.
Finalement il ne faut pas trop mentaliser Dieu et je crois que la voie du Maître du Thuringe est au juste, la je suis sérieux et vous approuve totalement est un des derniers jalons de la pensée métaphysique en occident avant le début du déclin inexorable que nous vivons que nous endurons pour les plus conscients d’entre nous .Mais est-ce que nous aurions eu seulement 13 siècles de Lumière à partir du Christ ? Ce serait une vision trop étriquée. Le déclin commence bien avant la venue du Christ et le christianisme lui-même y a peut être participé en coupant l’occident de la sagesse du paganisme ( je ne suis pas à fond dan les thèses de la nouvelle droite mais tout n’est pas idiot dans ce qu’ils disent).La morale n’a pas commenté avec le christianisme mais la métaphysique a vite été prise dans les doctrines, Enfin c’est une long débat.
Merci encore.
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La Théologie apophatique
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19 septembre 2006, par Abd Al Haqq
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Cher ami,
Concernant l’exemple (édifiant) de Sainte Blandine je serais tenté d’en déduire que, même avec des lions mécréants, voir payens, un miracle est toujours possible et que " rien n’est impossible à Dieu".
Pour le reste je pense que je vous rejoindrai sauf sur un point, celui du paganisme. Encore faut-il s’entendre sur ce mot "paganisme". Car si ce sont les anciennes religions que vous nommez ainsi il est certains qu’elles furent facteur de civilisation autant que le christianisme qui, à son tour recycla une partie de leur message méthaphysique. Car la tradition est une. (c.f. René Guénon entre autres).
Si nous faisons référence à l’Hindouisme, par exemple, effectivement, le XIIIème siècle occidental est compris dans le cycle de déchéance...
Je serais en revanche plus prudent que vous sur les "réinventions folkloriques" du néo paganisme. Elles sont très dangereuses. Non seulement pour leurs implications politiques que vous souligniez mais aussi parce que certaines d’entre elles sont carrément démoniaques. Ce n’est pas par hasard que tout un courant de pensée se fait jour autour de pratiques hiérogamiques (da vinci code)et, même, de pratiques nécrophiles. Certains, qui semblent bien informés, pensent qu’une partie des enlèvements d’enfants pourraient alimenter des pratiques de sacrifices humains...
Cordialement à vous
Abd al Haqq
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La Théologie apophatique
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28 novembre 2008, par Paddy
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Merci à vous pour ces éclairages et ces encouragements implicites à plus de verticalité
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La Théologie apophatique
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28 novembre 2008, par Paddy
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Vous seriez surpris d’apprendre que peu d’hommes ont atteind comme Maître Eckhart, les cimes de l’entendement. On pourrait citer Dante et plus près de nous, René Guénon
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La Théologie apophatique
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1er décembre 2008, par Célestin
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Plus près de nous un sommet encore,née en 1909,morte d’épuisement à 34 ans, Simone Weil,nous entrons dans le centenaire de sa naissance.
Une étoile filante !!!! ( voir dossier Philosophie magazine de décembre 2008.
Elle dit :"Dieu m’avait misécordieusement empêché de lire les mystiques, afin qu’il me fût évident que je n’avais pas fabriqué ce contact absolument inatendu."
Et aussi : "Le christianisme étant catholique en droit et non en fait, je regarde comme légitime de ma part d’être membre de l’Eglise en droit et non en fait,non seulement pour un temps, mais le cas échéant toute ma vie."
Et puis :"Au printemps 1940 j’ai lu la Bhagavad Gita. Chose singulière , c’est en lisant ces paroles merveilleuses et d’un son tellement chrétien....."
Une étoile filante vous dis-je !
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La Théologie apophatique
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16 janvier 2013, par G.rare
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J’ai le chic pour aller mettre le nez dans les archives, heureusement il n’y a pas de poussière... Je voudrais apporter un tout petit témoignage quant à Simone Weil la jeune philosophe. Simplement j’ai entendu il y a deux, trois ans un témoignage ému et émouvant la concernant par quelqu’un qui vraisemblablement l’a rencontrée chez leur ami commun Gustave Thibon. Celui qui a apporté ce témoignage est un très grand érudit qui a été ami et secrétaire de Déodat Roché, puis rédacteur en chef des Cahiers d’études cathares. Il a produit quelques livres extraordinaires sur les Cathares, sur Rudolf Steiner, sur le Mont Athos, et sur l’approche des Religions en général. Et bien il était ému aux larmes en parlant de Simone Weil, lors de ses rencontres avec Gustave Thibon (qui d’ailleurs préfaça la Pesanteur et la Grâce). Ce n’est donc pas un témoignage sur le fonds mais sur la forme. Mais souvent la forme est représentative du fonds...
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La Théologie apophatique
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21 janvier 2013
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J’ai eu il y a peu un riche échange avec ma belle mère fervente Catholique au sujet de Simone Weil justement sur l’angle de la théologie apophatique. Il est vrai que le livre "La pesanteur et la grâce" est une compilation arrangée de textes de Simone Weil et je crois sauf erreur que le titre lui-même n’est pas de la philosphe. Et cela a été critiqué mais c’est dommage. Car ce livre est une merveille ; On peut vivre avec, passer sa vie à le méditer, en faire un guide comme l’imitation de Jésus Christ. De plus votre témoignage le confirme, la rencontre entre les époux Thibon et la philosophe a bien eu lieu, une vraie rencontre.Vos archives sont bénies, nous devrions garder toutes ces heures illuminées sur notre Disque Doux et virer les mauvais souvenirs de notre disque dur. A propos de rencontre je me permets de signaler que le Synodikon ouvre ses portes dimanche pour Blanche et Kakoli.
Vos archives sont bénies. Ce témoignage est important. Je suis très heureux de partager cette rencontre là. Il y a encore des places.
Pour Simone Weil il y avait urgence à réintroduire la beauté et l’univers lui-même dans la tradition chrétienne. C’est là ce à quoi s’appliquent nos deux muses."La beauté du monde c’est le sourire de tendresse du Christ pour nous à travers la matière. Il est réellement présent dans la beauté universelle. L’amour de cette beauté procède de Dieu descendu dans notre âme et va vers Dieu présent dans l’univers." Simone Weil.
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La Théologie apophatique
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27 janvier 2013, par G.rare
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Et donc je me suis plongé en recherches sur Wikipédia qui contient parfois du moins bon, mais très souvent du très bon. Et donc voilà l’article très complet paru : http://fr.wikipedia.org/wiki/Simone_Weil
D’autre part, je me souvenais que l’auteur respectable et érudit que j’ai évoqué (José Dupré, dont on trouve facilement les livres malgré sa discrétion et sa modestie) m’avait dit, lors d’un séminaire, que Simone Weil a habité chez Gustave Thibon. J’ai donc recherché, toujours à la même source, et j’ai trouvé :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_Thibon
Il est donc bien précisé qu’il l’a embauchée en 1941 dans sa ferme d’Ardèche comme ouvrière agricole. Comme c’est lui qui l’a aidée pour la publication de son livre et l’a préfacé en 1947, il ne serait pas étonnant qu’il soit par ailleurs l’auteur du titre ...Et cela sans préjuger de certains de ses engagements politiques postérieurs.
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> Un nouvel ouvrage sur Maître Eckhart
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11 avril 2005
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Signalons un nouvel ouvrage : "L’anneau immobile -
Regards croisés sur
Maître Eckhart"
L’ouvrage propose trois études croisées originales autour de la pensée eckhartienne : Laozi, Husserl et Hegel..
– Un rapprochement entre le Poème du Maître rhénan et la mystique chinoise de Laozi (B. Vermander)
– Phénoménologie et mystique spéculative (S. Bongiovanni)
– La dialectique (G. Jarczyk & P.-J. Labarrière)
Pour en savoir plus : http://www.jesuites.com/.
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La Théologie apophatique de Maître Eckhart
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1er avril 2005, par Unité de Recherche en Histoire Médiévale
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Eckhart s’inscrit nettement dans la ligne de la théologie négative dionysienne selon laquelle Dieu, qui est ineffable, n’est atteint que dans la mesure où on l’a dévêtu de tous ses noms, le terme de cette démarche apophatique étant le néant divin , lequel n’a rien à voir avec la non-existence de Dieu. Dans le Sermon 71, Eckhart rend compte d’une expérience du néant, à l’occasion d’un commentaire de l’épisode fameux de la conversion de Paul sur le chemin de Damas, rapporté dans les Actes des Apôtres : « « Paul se releva de terre et, les yeux ouverts, il ne vit rien. » Je ne saurais voir ce qui est Un. Il ne vit rien, c’était Dieu. Dieu est un néant et Dieu est un quelque chose. Ce qui est quelque chose, cela est aussi un néant. Ce qu’est Dieu, il l’est pleinement. C’est pourquoi Denys le lumineux dit, lorsqu’il écrit sur Dieu, il dit : Il est par-delà être, par-delà vie, par-delà lumière ; il ne lui attribue ni ceci ni cela, et il veut dire qu’il est on ne sait quoi qui est très loin par-delà » Le Dieu néant, c’est le Dieu inconditionnel et transcendant, le néant du manifesté, autrement dit la Déité au-dessus de Dieu : au-dessus des images (Überbildung), un être sans image (Entbildung) . En qualifiant Dieu ou la Déité de néant (niht), Eckhart ne veut pas dire que Dieu n’est pas, mais qu’il n’est ni être ni néant, ou plus exactement au-delà de l’être et du néant, antérieur à toute représentation de ce qui est et de ce qui n’est pas, précédant toute détermination ontologique. Si l’être est quelque chose, alors Dieu est néant, au sens où il est au-delà de ce qui peut se représenter en termes de manifestation. En tant que Gotheit, Dieu est le tout autre. On comprend dès lors que la Déité ne puisse faire l’objet que d’une connaissance négative et non d’une connaissance analogique. Cependant, dans le Prologue général à l’Opus tripartitum de même que dans le Prologue à l’Opus propositionum, Eckhart dit explicitement que « l’être est Dieu » (esse est Deus), retournant au passage la proposition traditionnelle : Deus est esse (« Dieu est l’être »). Il paraît de la sorte se placer davantage dans la lignée de l’ontologie thomiste que de l’hénologie néoplatonicienne. Toutefois, la pensée de l’Un ou de la Déité prime chez lui sur la pensée de l’être, car le second dépend du premier. On se souvient que dans les Questions parisiennes de 1302-1303 disputées avec le franciscain Gonzalve d’Espagne († 1313), Eckhart avait soutenu la primauté en Dieu de l’intelligere (le « connaître ») sur l’esse : Deus non intelligit quia est, sed est quia intelligit. Donc, « c’est la pensée qui en Dieu est le fondement de l’être, et non l’être qui fonde la pensée » (est ipsum intelligere fundamentum ipsius esse). Dieu est Intellect. La divinité connaît l’être et en ce sens le précède comme Verbe ou Intelligence. On retrouve ici une idée néoplatonicienne, celle de la seconde hypostase — Intelligence ou Esprit — qui est au-delà de l’être mais cependant en-dessous de l’Un. Dans la triade — classique au Moyen Âge — esse, vivere, intelligere, c’est le troisième terme qu’Eckhart place au premier rang car c’est celui qui présente le plus haut degré d’indétermination. C’est pourquoi, dans l’application qu’il fait de ce ternaire à la Trinité, il attribue au Père l’intelligere, au Fils le vivere et au Saint-Esprit l’esse. Intelligere est donc le plus haut concept indéterminé et à ce titre le plus à même de rendre compte de la transcendance divine. On peut d’ailleurs supposer, avec Étienne Gilson , qu’en dernière analyse l’intelligere lui-même se subordonne — comme dans le néoplatonisme strict — à un terme encore supérieur, l’Un. Le prologue de l’Évangile de Jean sert ici de caution scripturaire pour l’affirmation de la primauté du connaître sur l’être : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu » (1,1). L’être étant déjà une manifestation du créé, Eckhart s’efforce de distinguer celui-ci du divin, de détacher le créé du Créateur. En parlant de Dieu comme être, on détermine trop l’infinité divine, on méconnaît sa transcendance absolue. Pourtant, par la suite, Eckhart semble établir une équivalence entre l’être et Dieu. En fait, lorsque Maître Eckhart soutient que esse est Deus, il veut dire que l’être qui est est l’être de Dieu. Il l’exprime quand il écrit, dans le Prologue général, que « tout ce qui est, a par l’être et de l’être le fait qu’il peut être ou qu’il est. Donc si l’être est un autre que Dieu, la chose a l’être par un autre que Dieu » (omne quod est per esse et ab esse habet, quod sit sive quod est. Igitur si esse est aliud a deo, res ab alio habet esse quam a deo) . Or les choses créées tiennent leur être de l’être de Dieu. Tout « étant » est dans l’être de Dieu : sans Lui, les choses ne seraient pas. Cependant, Dieu lui-même est au-delà de l’être. C’est pourquoi Eckhart, dans son Commentaire de l’Exode, interprète le célèbre passage où Dieu se révèle à Moïse — Ego sum qui sum (« Je suis celui qui suis ») (Exode, 3,14) — comme un refus de Dieu de répondre à la question sur son nom : c’est une negatio negationis (« négation de la négation »), une manière négative de dire l’Un (Unum negative dictum) . C’est sur ce passage 3,14 de l’Exode que se fonde la fameuse « métaphysique de l’Exode » — dont parle Étienne Gilson — pour laquelle Dieu est égal à l’être. En fait, la pensée d’Eckhart semble davantage participer de la métaphysique de l’Un que de celle de l’être. Pourtant, il n’en demeure pas moins qu’il établit ici une équivalence entre Dieu et l’être, à tel point que certains commentateurs ont estimé qu’il y avait une discontinuité entre les thèses d’Eckhart en faveur de la primauté du connaître sur l’être exposées dans les premières Questions parisiennes et celles qui figurent dans l’Opus tripartitum en faveur d’une identité de l’être et de Dieu . Cette vision des choses fondée sur l’idée qu’il y aurait une séparation foncière entre les œuvres de jeunesse (Quaestiones parisienses, premier magistère) et celles de la maturité (Opus tripartitum, second magistère) ne nous semble pas convaincante. Il n’y a pas deux Eckhart, il y a deux expressions de sa pensée, ou plutôt deux angles de vue qu’il présente successivement : l’un insistant sur la radicale transcendance de l’intellect divin par rapport à l’être créé, l’autre montrant que l’être qui est est l’être de Dieu. Mais Dieu lui-même est au-delà de l’être. L’approche d’Eckhart dans les Questions parisiennes a été qualifiée de méontologique par Émilie Zum Brunn , à savoir une pensée faisant la différence entre l’être (fût-il suprême) et le néant (comme Un ou Unité au-delà de l’être). Cette pensée méontologique du Thuringien se place dans la filiation de la théologie platonicienne pour laquelle Dieu, en tant que Bien ou en tant qu’Un, est au-delà de l’être. Eckhart s’inscrit donc en faux contre l’ontothéologie. Dans cette dernière en effet, Dieu est identifié à l’être suprême, c’est-à-dire encore à un étant pour Heidegger. Émilie Zum Brunn reconnaît cependant que le Thuringien semble avoir évolué de cette position méontologique des Questions parisiennes vers une position plus ontologique dans les Prologues. Donc, dans l’Ego sum qui sum de l’Exode, Eckhart montre, en se fondant sur Maïmonide et sur la négation de la négation, que c’est la pureté de l’essence divine qui est ici désignée. Car en Dieu, il n’y a pas l’être, mais la pureté de l’être (puritas essendi). L’être ne peut être dit univoquement de l’être créé et de l’être divin car il y a un abîme entre le monde manifesté et le Créateur (abîme qui peut toutefois être franchi dans l’union mystique, quand l’homme devient « Dieu en Dieu » et perd en quelque sorte sa qualité de créature). Ces affirmations d’Eckhart semblent à première vue le placer du côté des tenants de l’équivocité, contre les partisans de la thèse de l’univocité de l’être dont Jean Duns Scot (vers 1265-1308) , le grand philosophe franciscain et contemporain d’Eckhart, fut le principal représentant. Posons le problème. La discussion porte sur le fait de savoir en quel sens nous attribuons à Dieu et à la créature un même nom, ici celui d’être. Fernand Brunner a clairement exposé la question : « Deux réponses extrêmes s’opposent. Ou bien nous appliquons les mêmes noms à Dieu et à la créature en des sens entièrement différents ; ces noms sont alors équivoques. Ou bien nous leur appliquons les mêmes noms avec le même sens, de sorte que nous affirmons non seulement la communauté des noms, mais encore la communauté des natures ; les noms, dans ces conditions, sont univoques » . En fait, Eckhart n’opte ni pour la première de ces propositions, celle de l’équivocité fondée sur l’hétérogénéité radicale entre Dieu et le monde, ni pour la seconde, l’univocité, qui signifie l’homogénéité absolue entre Dieu et le monde et finalement la confusion entre l’un et l’autre. À la suite de Thomas d’Aquin et d’autres docteurs, Eckhart adopte une troisième position qui conserve des éléments de chacune des deux autres. Il s’agit de l’analogie , intermédiaire entre l’équivocité et l’univocité. Ainsi, l’on peut appliquer l’être à Dieu et à la créature, cependant, l’être de Dieu ne peut être dit ni équivoquement, ni univoquement, mais d’une manière intermédiaire, analogiquement. Toutefois, Dieu dans son essence est au-delà de l’être. Dans le Sermon 9, Quasi stella matutina, Eckhart déclare que quand nous envisageons Dieu dans son être, nous l’abordons sur son parvis, mais à l’intérieur de son temple il est intellect. Et plus loin il dit : « Je parlerais de façon aussi inadéquate, si j’appelais Dieu un être, que si je disais que le soleil est blafard ou noir. Dieu n’est ni ceci ni cela » . Juste avant, Eckhart déclarait dans ce même sermon : « Des maîtres frustes disent que Dieu est un être limpide ; il est aussi élevé au-dessus de l’être que l’ange le plus haut est au-dessus d’une mouche » . Toutefois, Eckhart ne prétend pas contester à Dieu l’être : « Mais que j’aie dit que Dieu n’est pas un être et est au-dessus de l’être, par là je ne lui ai pas dénié [l’]être, plutôt : je l’ai élevé en lui » . Gwendoline Jarczyk et Pierre-Jean Labarrière, dans la traduction desquels nous citons ici ce sermon, commentent de la sorte ce passage difficile : « Ce raisonnement a pour fin de faire comprendre que l’être de Dieu n’est pas l’être d’une quelconque chose ; cette négation exprime qu’il est par-delà l’être et source de l’être » .
Site : Maître Eckhart
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