En premier lieu parce qu’Elie est l’archétype de l’initiateur, c’est-à-dire le modèle de l’initié, transmettant non pas un savoir, mais encore plus qu’une connaissance : il transmet l’Esprit. Il est plus précisément le père de toute lignée initiatique : il porte le "pagne de peau" que l’on reconnaît chez les Francs Maçons sous la forme du tablier et, s’il vous faut une preuve supplémentaire lisez un petit passage du cycle d’Elie et vous verrez quel rapport il entretient avec " le fils de la veuve" : 1Rois 17 :17 à 24
Or, si Elie est Maître spirituel que nous dit son exemple ?
Que nous dit son histoire sur sa recherche ?
Premièrement qu’il est à la recherche du Dieu Vivant, non pas à travers une image personnalisée et anthropomorphe, puisqu’au contraire il combat les représentations de Baal. Il est en quête de YHVH. Celui qui est ce qui est, la Parole perdue, un Dieu transpersonnel, l’Etre des êtres, la dimension ontologique de l’univers.
Quels moyens met-il en œuvre à cette fin ?
Dans sa quête, Elie fait en premier lieu une totale abstraction de sa volonté propre, de son ego. En cela, il est aussi le père de toute une école dite "néo-platonicienne" dont quelques figures marquantes sont : Jean Scott Erigène, Maître Eckaert, Plotin et surtout Saint Denys dont le patronyme nous rappel à la fois les mystères grecs et Saint Denis, évêque de Paris qui fut décollé... comme Jean le Baptiste. La décollation symbolise la perte du chef propre, c’est le sens qu’elle avait dans l’initiation chevaleresque. Il s’agit bien de perdre son chef propre, afin de devenir au sens littéral des musulmans (soumis), et de pouvoir dire : "Ce n’est plus moi qui vit en moi, mais un autre plus grand que moi."
Nous travaillons en effet à la construction d’un Temple, mais nous n’en sommes que les pierres, et ce Temple, qui n’est pas construit de mains d’hommes n’est pas pour notre usage...
Cette perte du chef, de la volonté propre, est représentée lors des initiations maçonniques par le fait qu’avec le bandeau sur les yeux, c’est un autre qui mène l’impétrant là où, sans doute, il n’aurait pas voulu aller. (cf St Pierre)
Ce symbole est également mis en œuvre à des niveaux plus élevés où tout invite à mourir à soi-même...
Mais de quelle manière particulière Elie mène-t-il sa quête ?
Une dernière référence sera faite au récit biblique : 1 Rois 19 : 7 à 14
Notons que, dans ce passage, le prophète se laisse mener par l’ange au désert, lieu de solitude et plus particulièrement dans une grotte.
Nous retrouvons ici la première étape de toute initiation, la grotte, le tombeau ou le cabinet de réflexion, et son symbolisme d’intériorité. C’est donc vers l’intériorisation que ce premier stade nous renvoie.
Puis, dans ce parcours initiatique, Elie est confronté aux éléments déchaînés ; la pluie, l’orage, la foudre, l’ouragan, le tremblement de terre, un grand feu. Bref tous les ingrédients de l’initiation antique qui se perpétue encore aujourd’hui.
Mais je voudrais attirer votre attention sur le verset 12. La traduction de l’école biblique de Jérusalem, une des meilleures, nous dit : "Et après le tremblement de terre, un feu, mais YHVH n’était pas dans le feu, et après le feu, le bruit d’une brise légère."
Et c’est à ce bruit d’une brise légère qu’Elie, reconnaissant la Présence Divine, se voile la face.
Or, cette locution "le bruit d’une brise légère" pose un intéressant problème de traduction, celui de rendre la locution hébraïque "qol demama daqqa" ce qui signifierait littéralement : qol : un son ; demama : silence et daqqa : fin ou ténu. Ce qui dans un français un peu plus élaboré pourrait se dire "un son de fin silence". C’est donc dans "un son de fin silence" comme l’a d’ailleurs traduit A. Chouraqui, que l’exemple d’Elie nous propose de rencontrer la Divine Transcendance.
Mais ce n’est pas un simple silence des lèvres qui nous est suggéré ici ; c’est bien un silence intérieur qu’il nous faut obtenir. (Faire taire les passions et soumettre la volonté ; l’apéthéïa des anciens.)
C’est là, dans le silence du cœur qu’un jour nous entendrons la "Parole Perdue".
Maître Eckhart a dit : "C’est seulement dans le silence de l’âme que Dieu murmure sa Parole Eternelle."
La Bible recèle encore beaucoup d’autres trésors pour le chercheur zélé, comme d’ailleurs le Saint Coran.
Saint Isaac le Syrien disait : "Dieu à créé le monde visible par la Parole et le monde invisible par le silence". C’est à une très modeste investigation dans ce monde invisible, qui est le second monde, l’Ame du Monde et le reposoir des cycles, à laquelle vous avez été conviés par ce petit texte.
Il est grand temps que lui succède le silence des sens afin que règne en nous l’harmonie des sphères et la "Parole retrouvée" qui sont au sein de ce silence, c’est-à-dire la Musique Eternelle du Dieu Vivant.