C’est assurément une grave erreur de considérer le Graal comme de source exclusivement chrétienne. Il serait d’ailleurs tout aussi erroné de l’inclure uniquement dans la phase mystique ou soufie de l’islam.
En réalité, le Graal désigne une voie d’approche vers le divin, vers une participation telle que ce n’est plus l’homme qui cherche à appréhender Dieu mais Dieu lui-même qui "se voit" dans l’homme. Le Graal, c’est l’accession au secret de la vie universelle, c’est une réalité divine, une présence permanente, c’est la révélation totale et absolue de la sagesse universelle, c’est la suprême initiation.
Ainsi, ce qu’on a appelé "la légende du Graal" appartient aussi bien à l’ésotérisme chrétien qu’à l’ésotérisme islamique ou même à l’ésotérisme hébraïque. La "légende" est universelle, car elle contient l’univers et chaque mystique, quelle que soit son origine, son "état", sa "voie", ou ses bases religieuses, qu’il vive en Occident, ou en Orient, qu’il soit chrétien, musulman ou juif, aspire en dernière analyse, à parvenir par les étapes initiatiques qu’il franchit, à la royauté du Graal, au secret des secrets…
Le symbole de ce sublime mystère est partout un objet sacré. Pour les Celtes, cet objet, c’est la "coupe prophétique". Pour les Chrétiens, le "signe" c’est la coupe ayant contenu le sang du Christ. Pour l’islam, ce sera la pierre descendue du ciel. La conquête du Graal, par définition, est une voie active, qui renferme la parole, la lumière et la vie.
Cette voie l’empruntent les chevaliers de la table ronde, c’est-à-dire ceux qui, sur terre, ont été admis à traverser les épreuves initiatiques d’une tradition authentique et reconnue pour accéder en fin de compte à la chevalerie céleste. Un mystique, un initié, a toujours été un chevalier à toutes les époques et sous toutes les latitudes et comme l’ultime sommet à atteindre est symbolisé par le Graal, celui-ci est marqué du sceau de l’universalité...
Curieusement, et peu l’ont remarqué, l’influence islamique est incontestable dans la transmission des secrets du Graal à l’Occident. Beaucoup, certes, ont reconnu sans hésitation le rôle des Arabes dans cette transmission mais rares sont ceux qui ont admis une influence que les textes, même publics, font cependant apparaître clairement.
Ce qui peut être surprenant pour le non-initié, ce n’est pas la présence d’éléments islamiques dans la voie active du Graal dont l’apparence est sans conteste chrétienne, c’est la cohérence entre ces deux symbolismes - le chrétien et l’islamique - dans la "légende". Pouvait-il en être autrement puisque le Graal est universel ?
Rattachez cette notion à nos explications précédentes. Le Graal devient alors la sagesse éternelle, le "château de l’aventure", celui du "Graal", devient la Connaissance absolue, tous les hauts lieux, secrets ou non, sont les étapes de la conquête du Graal, les maîtres et les initiés sont les officiers et les chevaliers de la table ronde unis en un même combat pour la possession du Graal...
En fait, le Graal se trouve enfoui dans le symbolisme universel de la tradition unique sous ses multiples aspects de cette tradition dont à jamais le verbe est l’âme vivante..."