Cela dit si un vent coulis suffit à te dresser la tige et faire monter la sève, il y a évidemment risque d’Éminence dans le sous-vêtement éponyme ! M’enfin faut pas confondre thérapie et préliminaires, caresses et manipulations. Tu sais, une table de massage, surtout ayurvédique, ressemble plus à une table d’opération qu’à un canapé à galipettes. Bref on n’est pas du tout dans un contexte érotogène, ou libido-inducteur.

Quant aux zones sensibles, elles sont soigneusement contournées, comme détourées par le slip et le soutien-gorge protecteurs. Je suis le seul jusqu’à présent à avoir accepté de ceindre le langoti, - cache-sexe minimal jetable et traditionnel des rives du Gange - qui a l’avantage de libérer hanches et fesses, permettant ainsi des frictions latérales de l’épaule à la cheville, de l’omoplate au talon, d’un geste ininterrompu qui fait ressentir au patient l’intégrité de son corps.

Anecdote de l’an dernier : à la fin du massage, l’assistant du masseur me tend une coupelle d’huile « pour le reste ».
– Le reste ? Sur le coup, je ne comprends pas ce qu’il veut dire. Le reste de quoi ? J’ai été tellement pétri de haut en bas et en travers et à fond que...

– Ah mais oui, bien sûr ! Suis-je bête : sous ce bout de tissu huileux, ce petit tas de chairs fripées, j’avais oublié qu’il existât. Mais allais-je pour autant me livrer devant l’homme de l’art et son aide à une friction intime au risque de...? Non. Une onction appliquée avec componction suffira.

Tout ça pour dire que fantasmes et appréhensions, pudeurs et hontes du patient massé disparaissent au profit d’une sensation de bien-être, de réconciliation avec son corps. Car finalement ce que l’on veut d’un massage c’est d’être touché. Touché et non pas attouché, dans une ambiance de paix et de confiance où toutes tensions ont disparu.

Sérénité oui, mais spiritualité, je ne crois pas. Les massages sont plutôt du domaine médical pratique : le paysan qui vient de repiquer du riz toute la journée a le dos cassé et appelle sa femme pour qu’elle le décontracte ; le type qui vient de pagayer sur des kilomètres de backwaters pour aller au marché doit bien avoir besoin qu’on s’occupe de ses épaules. L’entraînement des lutteurs et guerriers de jadis comprenaient des séances de massages complets.

Il me semble que tu idéalises beaucoup la spiritualité en Inde : il n’y en a sans doute pas plus là qu’ailleurs, simplement l’Inde s’en est fait une spécialité, un fonds de commerce qui se base sur l’Histoire et des mythes qui ont la vie dure.