Le Maître Inconnu
dimanche 21 janvier 2007

par Bayazid


Cet article fait partie d’un dossier intitulé : Le mystère d’une marque au "Quatre de Chiffre"
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Le Maître de la marque au Quatre de Chiffre de Mirepoix est-il un imprimeur ?

Je l’ai dit en introduction de cette étude, c’est probable sans être certain.
La complexité de la marque, ses aspects christiques doublés de références explicites à la foi catholique en des époques troublées par les guerres de religion évoquent un métier de l’imprimerie.

En effet, Toulouse, capitale de la région, fut rapidement sous l’emprise de l’Eglise catholique romaine après la répression des hérésies cathares. L’arrivée des premiers imprimeurs (des typographes allemands) en 1476, fut très bien accueillie par les ecclésiastiques, pour qui elle représentait « l’art divin ». Les besoins de l’Eglise en livres imprimés étaient importants : livres d’heures, livres de messe, manuels de confession ou de prédication pour les clercs, livres d’indulgences et livres de piété populaire pour les fidèles.

"Imitation de Jésus-Christ"
Imprimée en 1488.

Les imprimeurs allemands ont été les premiers à imprimer tout ce que l’Eglise attendait d’eux, y compris, en 1488, la première « Imitation de Jésus-Christ » d’Ignace de Loyola, fondateur des jésuites. Puis les premiers imprimeurs toulousains ont structuré une profession qui s’est rapidement développée, derrière Jean Grandjean premier syndic de l’association des libraires qui se réunissait régulièrement à la chapelle Saint Quentin à partir de 1510 [1].

Au moment des guerres de religion (à l’époque de notre blason de Mirepoix), l’imprimeur Guyon Boudeville paya de sa condamnation à mort ses ouvrages de propagande protestante, et le libraire Braconnier fut également pendu : Toulouse était un bastion catholique bien défendu par une présence efficace des Jésuites et des Dominicains. La dynastie des Colomiès règnera ensuite sur l’imprimerie toulousaine jusqu’en 1750, aux côtés des Grandjean et des Vieillard.. Jacques Colomiès dont la carrière s’étend de 1537 à sa mort en 1594, fait partie des défenseurs du catholicisme romain le plus intransigeant. À la date qui figure sur le blason de Mirepoix, il est l’imprimeur attitré du clergé languedocien.

Mirepoix était également un bastion catholique.
Comme il n’était pas rare, dans la seconde partie du XVIe siècle, que des libraires installés dans les villes des environs de Toulouse fassent appel à ses imprimeurs, je ne vous cache pas que j’ai pensé à ce type de commandes en songeant que certaines d’entre elles auraient pu venir d’un libraire de Mirepoix.

Comment se présentait une « librairie » à la fin du XVIe siècle à Mirepoix ou dans les petites villes du Languedoc ?
Je ne l’imagine pas comme une librairie moderne, mais plutôt comme une « librairie bibliothèque », avec quelques tables et quelques chaises pour permettre aux lettrés, souvent des clercs, de lire des ouvrages, probablement religieux (ces petits comptoirs ont fleuri à Toulouse au XVIe siècle).

Pourquoi le propriétaire de la marque ne serait-il pas un ecclésiastique d’ailleurs ?
Cette idée m’est venue à propos des petits traits transversaux figurant sur l’axe du motif central de la marque. Ils figurent en noir sur le schéma ci-dessous.

Georges Wolf
Libraire Imprimeur
(Paris 1489)
Guillaume Balsarin
Libraire Imprimeur
(Lyon 1493-1530)

Paul Delalain (opus cit.) avait remarqué cette particularité, et l’avait attribuée au souhait de « désigner le rang de l’artiste ou de l’imprimeur dans sa corporation, comme les croix à simple, double ou triple croisillon passaient à une certaine époque pour distinguer la hiérarchie des dignitaires ecclésiastiques ».

L’évocation par Delalain du « rang de l’imprimeur dans sa corporation » ne m’a pas convaincu. Le Quatre de Chiffre est une marque de Maîtrise, y a-t-il chose plus importante ?
Mais la marque aurait-elle pu être « empruntée » par un ecclésiastique commanditaire d’ouvrages religieux, et faisant office de libraire-bibliothécaire pour les clercs comme pour les laïcs ? Cette idée mériterait d’être étayée...

La marque d’un groupe ou celle d’un individu ?
Il m’est arrivé de penser que la marque pouvait être celle d’un collectif, à l’instar de la fameuse fraternité AGLA de Lyon [2], société secrète d’imprimeurs qui aurait été créée par Cornélius Agrippa et l’imprimeur Sébastien Gryphe au début du XVIe siècle.
Ce groupe aurait pratiqué « l’acceptation » comme le fera plus tard la Franc-Maçonnerie. Rabelais, Philibert De l’Orme et bien d’autres en auraient fait partie...
J’ai vite écarté cette hypothèse, pour une raison de bon sens : seule une grande métropole peut accueillir de telles fraternités polymorphes, souvent plus occultistes qu’ésotériques, et qui, si on en croit la biographie de Cornélius Agrippa, ne furent pas « en odeur de sainteté »...
Par ailleurs, l’orthodoxie catholique du blason de Mirepoix nous rattache plutôt aux racines du compagnonnage opératif.

La localisation de la marque
Si la marque n’était pas à l’origine sous les couverts de Mirepoix (ce qui paraît de plus en plus probable, jusqu’à preuve du contraire), d’où viendrait-elle ?

Les "couverts" de Mirepoix
Le Maître inconnu a des initiales et une marque, il nous laisse un grand message spirituel, mais il n'a ni nom, ni origine.

« La main trace des signes sur le sable,
que bientôt la mer efface »...

Omar Khayyâm

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 La gravure tirée de "L’Imitation de Jésus-Christ" imprimée par Henri Mayer le 28 mai 1488 à Toulouse provient du site : http://www.occitanie.org/. On ne connait que cinq ou six exemplaires de ce précieux livre.
 Les marques d’imprimeurs en rouge proviennent du site : http://www.prismeshebdo.com/.
 La photo des "couverts" de Mirepoix a été prise par l’auteur.


[1Pour tous ces développements sur l’imprimerie à Toulouse, lire « L’imprimerie à Toulouse et en Languedoc »
http://www.occitanie.org/imprimerie/ & « Saint Quentin, siège de la communauté des Libraires... », Mémoire de la
Société archéologique du midi de la France (1996) http://www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/

[2AGLA comme Atha Guibor Leolam Adonaï : « Tu es fort éternellement, Seigneur »

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Le Maître Inconnu
10 avril 2007, par yéyé

eh ben dit donc !
j’avais encore du chemin à faire . . .
Boudiou !


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