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Pèlerinage à Compostelle par le Camino del Ebro

Etape 33 : De O Cebreiro par Triacastela à Sarria
Camino del Ebro : 911 km déjà parcourus

par El Peregrino


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Samedi 7 octobre 2006
Etape de 40 km

Presque 10 heures de marche ! Pourquoi ?

J’ai un peu de mal à répondre à cette question... Depuis 2000 c’est la quatrième fois que je fais cette étape dans la même configuration. C’est en quelque sorte une journée qui me permet de savoir où j’en suis physiquement et moralement... C’est une attitude pas très rationnelle je vous l’accorde, mais je vous le dis sans honte, c’est une étape qui satisfait l’idée que j’ai de moi-même... ! Pour un maçon qui passe son temps à contrôler avec difficulté son ego, cette dernière phrase est ambiguë...
Aujourd’hui j’ai fait une étape de 40 km et l’énergie qui était encore en moi à l’arrivée à Sarria fut une surprise. Je crois qu’il est bon parfois pour soi-même de se surprendre, peut-être aussi de se rassurer... !

Il est 7h15 ce matin quand je sors du refuge. Il pleut vraiment beaucoup, mais au moins il n’y a pas de vent. Il n’est pas gênant de partir de nuit pour cette étape, les premiers kilomètres se font sur la route. Je vais même éviter jusqu’à l’Alto Del Polo 1337m de prendre le chemin balisé. Pour cette partie du chemin que je connais et avec la forte pluie, la route goudronnée est plus confortable. Tout va bien, je suis bien équipé même si mes pieds sont un peu humides, les semelles de mes chaussures que j’ai rafistolées semblent tenir le coup.
Par moments, quelques fortes bourrasques me forcent à baisser la tête. La pluie et les lunettes, cela ne va pas ensemble ! Alors j’avance la tête baissée sur la gauche de la route, l’œil rivé sur la ligne blanche qui la matérialise... Il y a quelque chose d’irréel à progresser ainsi dans une nuit sans lune... La route est déserte à cette heure, la pluie redouble et ruisselle sur mon poncho. Plusieurs fois sur cette chaussée qui grimpe à nouveau, je m’immobilise... Situation saugrenue, la pluie chante sur le poncho, je suis presque sans repère sauf cette bande blanche et je suis, moi aussi, comme noyé dans la nuit... Franchement je m’imagine alors comme spectateur de moi-même et cela me fait venir un sourire... Pourtant je suis heureux et je sais que de l’inutile apparent peut naître, pour demain, de nouvelles forces...
Là-bas à 500m une lumière, c’est ce petit bar complètement perdu qui est ouvert... Il est tenu par une vieille dame que j’ai envie d’embrasser quand je pousse la porte de l’estaminet. Un petit-déjeuner m’attend, à cette heure et aujourd’hui, c’est un véritable havre pour le pèlerin. Dans ma tête, depuis des années maintenant, quand je pense à un bonheur simple magnifié par les circonstances, je pense à cet endroit... Longue vie à cette vieille dame... !

Le jour se lève quand je repars, le café au lait, les toasts chauds avec beurre et confiture m’ont donné plus qu’une alimentation consistante...
Pendant les premières heures, Alto San Roques, Alto de Polo, le chemin monte et descend, pour enfin prendre résolument la décision de descendre vers Tricastela. Je suis maintenant en Galice, une province d’élevage très semblable à notre Bretagne. Jusqu’à Saint-Jacques les hameaux sont fréquents, le pays est riche, mais les villages peuvent paraître pauvres. Je viens de prendre une photo au bord du chemin d’une toute petite chapelle faisant cinq mètres sur cinq. Regardez bien la photo et la marque centrale sur le petit autel, elle vous surprendra comme moi...

Une chapelle étrange et perdue...

Quand j’arrive à Tricastella, il est 12h30. C’est l’heure de m’arrêter dans un bar juste en face du refuge municipal pour manger un sandwich. Je le déguste tranquillement, je ne suis pas pressé et il est trop tôt pour rester ici... Je viens de faire 21 km, je me sens très bien et il y a 19 km pour rejoindre Sarria. Je vais continuer. Je reprends ma mochila et si plus loin je suis fatigué, il y a Calvor et son albergue municipal qui fera l’affaire...
La pluie a cessé, mais elle reste menaçante. Il est impossible de me séparer du poncho, j’ai le corps très humide... J’aime la Galice, pourtant dure pour les marcheurs. Derrière chaque colline, il semble y avoir quelque chose à découvrir, mais, il faut les gravir et c’est justement une succession de coteaux verdoyants qui fait la beauté de cette province...

Le Camino en Galice.

Je n’irai pas au monastère de Samos très connu, mais pas très hospitalier aux dernières nouvelles. Je passe par le chemin du village de San Xil. Je traverse une succession de hameaux et la pluie importante de ces derniers jours donne des rues boueuses et sales. Il faut savoir que nous sommes dans un pays d’élevage et les animaux sont ici chez eux... Le voyageur qui ne sait voir que ça, oublie l’authenticité de ces fermes où la vie des hommes y est rude.

Voilà Calvor, son église conserve encore, paraît-il, des éléments architecturaux remontant à l’époque Wisigoth. Tout va bien, je continue tranquillement. Je croise un groupe de jeunes élèves avec un professeur et ils sont aussi bruyants qu’un train de marchandise. Sympathique, mais heureusement que nous n’allons pas dans le même sens...
Voilà Sarria sur sa colline et je me sens encore en pleine forme. Je ne reviendrai pas sur l’étonnement que cela provoque en moi. J’ai un bien-être musculaire et moral, j’ai sûrement quelques endorphines très naturelles, je vous rassure, et qui doivent bien fonctionner aujourd’hui... !

Silo à grain galicien

Il faut encore grimper dur à travers la ville pour atteindre le refuge municipal. Ici, pendant la fin de semaine, les Espagnols initient souvent une balade jusqu’à Saint-Jacques. C’est pourquoi l’auberge est souvent comble quand j’arrive ici en fin de journée. Je ne fais donc que passer pour faire viser mon passeport du pèlerin.

Je ne peux oublier mon premier passage ici en l’an 2000. J’étais arrivé pour la même étape dans ce refuge très fatigué et à l’énergie, l’hospitalière m’annonça alors que le refuge était complet. Complètement exténué, je m’étais mis à pleurer bêtement à la simple idée de dormir sur le sol... !
Les années ont passé et j’ai un peu plus l’expérience du Camino... Un peu plus loin, je vais me choisir un « albergue » privé et très confortable pour 6 euros...

Après une douche et l’intendance assurée, je me pose dans l’entrée de l’auberge dans un large fauteuil. Arrive Nicolas, un grand gaillard que j’ai déjà rencontré. Il a une démarche de félin et il avance très vite avec ses grandes jambes...

Nous sommes tous les deux à table ce soir et nous ne sommes pas trop bavards, très attentifs à nous gaver avec une soupe du pays et une variété de poisson à la poêle... Nicolas doit avoir quelques problèmes dont il hésite à parler semble-t-il. Je reste attentif, mais ce soir, il change de conversation, peut-être demain...

Nous ne sommes que quelques-uns dans ce refuge, je vais bien dormir. Je pourrais presque me passer des boules Quies, mais par précaution je les utilise tous les soirs...
Je pense à ceux que j’aime... Je crois bien que dans quatre jours, je serai sur la place de l’Obradoiro... Merci à LUI...

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Les photos ont été prises par l’auteur pendant son pèlerinage.

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