Au premier abord, de l’extérieur, le centre de méditation Root est rébarbatif : un portail de fer gardé par un policier armé, une sorte de mirador, un haut mur crénelé de barbelés protègent cette enclave qui, à l’époque de sa fondation, devait se trouver isolée en pleine campagne. Et la richesse de ce monastère réservé à l’accueil des voyageurs occidentaux contrastait alors cruellement avec la pauvreté des villages alentour et risquait de susciter des convoitises.
Passé le portail, puis la clinique qui accueille gratuitement chaque jour plus de 80 patients, on pénètre dans le monastère même : autour d’un grand bouddha doré se répartissent deux gumpas (temples), un imposant moulin à prières, des lieux d’habitation, des salles communes, beaucoup d’arbres et de fleurs, des bassins à lotus, et éparpillés ici et là, des stupas, des petits bouddhas… Et du silence…
Du silence, comme une récompense après un mois de tribulations. Sans l’avoir consciemment cherché, je me retrouve là où j’avais besoin d’être, le but atteint comme par magie, comme dans un conte où soudain une porte s’ouvre sur le but de la quête.
Où se trouve ce que je cherchais : pas seulement un enseignement, des repas végétariens, des pratiquants de yoga et de tai-chi, mais surtout la possibilité de faire le ménage dans ma tête.
Ça ne fait pas de mal de revisiter tout ce qui s’est accumulé là-dedans : on entasse, on entasse, c’est le fourre-tout, le grenier, le bazar intégral, sans parler des petits coins obscurs, voire crasseux de l’esprit. Comme le disait un humoriste : côté spirituel, c’est fou ce qu’on se néglige !
Ce qu’il y a d’appréciable dans cette initiation au bouddhisme tibétain, c’est qu’on ne parle pas de Dieu ni de dieux, de culpabilité, de péché, de faute originelle, etc.… C’est un spiritualisme, pas une spiritualité. Une éthique aussi. Coté métaphysique, reste à admettre la loi du karma, des causes et des effets, mais comme vient de me le dire une nonne qui aurait lu Pascal, si ça n’est pas vrai, je ne perds rien et si c’est vrai, j’y gagne beaucoup.
En tous les cas, je ne suis pas embarqué dans des rituels bizarres ou folkloriques, des prières incompréhensibles ; on ne me demande pas de croire à quoi que ce soit. On me conduit seulement à passer tout en revue, selon une logique irréfutable : l’Ego et ses attachements, ses illusions, les relations, l’altruisme, la compassion, l’attitude devant la mort, autant de questions qu’on préfère ne pas ou ne plus se poser.
Bref, l’an dernier je m’amusais de toutes les petites choses à la surface du monde ; cette année c’est un autre voyage…