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Pèlerinage à Compostelle par le Camino del Ebro

Etape 11 : De Gallur par Ribaforada à Tudela
Camino del Ebro : 296 km déjà parcourus

par El Peregrino


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Vendredi 15 septembre 2006
Etape de 34 km

J’ai beaucoup de choses à vous raconter...

J’ai vraiment fait un bon repas hier soir et la nuit fut reposante. Avant de m’endormir j’ai pris un anti-inflammatoire pour mon genou douloureux. Ce matin je renouvelle le médicament et la douleur deviendra une gêne qui se fera oublier dans la journée... Tout va bien... Pourtant en onze jours j’ai eu de tout : la canicule avec 40° à l’ombre, la pluie presque la tempête et aujourd’hui s’ajoute un vent de face de force 6 ou 7...! Le corps doit s’adapter, il y a quelques signaux de souffrance de temps en temps et il faut rester attentif à les écouter...

un matin grisaille

Il est 7h30, je prends la route quand le jour se lève. Maintenant il fait froid...! J’enfile un blouson de cycliste qui me sert de coupe-vent, mais je suis obligé de mettre par-dessus une petite polaire sans manche... Le vent accentue la sensation de froid et après hésitation je mets aussi mon poncho. Voilà, je suis bien, mon corps aime la chaleur, maintenant je marche délié, tout va bien. La sensibilité douloureuse du bassin que j’avais peut s’oublier maintenant très vite, c’est bon signe. Avant de partir sur le Camino je me posais des questions sur la prothèse de ma hanche gauche. Résultat : tout au long des 1100 kilomètres de ce périple je n’y penserai même pas...

Je passe à Malene en suivant quelques flèches jaunes pour m’apercevoir en sortant du village que je reviens presque sur mes pas. C’est encore un moyen désagréable de faire presque deux kms de trop ... Il y avait sûrement un chemin pour éviter ce détour inutile.
Il ne pleut pas, mais le vent est très pénible. Je marche vers l’ouest et j’ai donc toujours ce vent fort qui me vient de face. Cela donne toujours la sensation de gravir un dénivelé même quand le chemin est plat. C’est une fatigue supplémentaire bien réelle, de plus il ne faut pas oublier que ma silhouette avec la mochila prend encore plus facilement le vent... J’arrive à Ribaforada vers 13h30, j’ai déjà 6h30 d’une marche pénible. Je suis fatigué et je sens raisonnable de rester dans ce village pour la nuit... Voilà, la journée tourne mal, je passe une heure à tourner dans les rues, impossible de trouver un endroit pour poser mon couchage...! Le curé est absent, la mairie est fermée et en plus il n’y a ni hôtel ni pension à Ribaforada... Je discute un long moment avec le garde municipal qui est navré, mais je n’ai pas d’autre solution, il faut aller à Tudela...
Encore 6 kms pour rejoindre cette ville plus importante, soit presque deux heures et j’ai déjà plus de trente kilomètres dans les jambes... Un peu désemparé je suis assis sur un banc pour réfléchir... Mon genou va bien, mais je ressens toujours une gêne, attention pas d’excès semble-t-il me dire...

J’ai marché encore une heure vers Tortosa. Sur mon chemin arrive une station-service. Un ouvrier descend d’une camionnette pour prendre de l’essence. En me voyant, son visage sourit : « Ola pérégrino ». Nous échangeons quelques mots, il a fait, lui aussi, quelques étapes sur le Camino. Nous nous quittons après une poignée de main complice.
Cent mètres plus loin il arrête sa voiture à ma hauteur, nous sommes dans les faubourgs de Tudela et il me propose d’éviter une zone peu agréable et de me laisser à côté de l’albergue de la ville... Super, je n’hésite pas, je vais éviter le quartier des usines dans cette ville de 40.000 habitants...

Tudela, la vieille ville

Mauvaise journée, presque deux heures que je tourne dans la ville... ! Arrivé devant l’auberge de jeunesse de Tudela fermée je trouve un panneau : « Prévenir d’un passage 24 heures à l’avance »... ! Il y a un numéro de téléphone pour les pèlerins, mais je tombe sur un répondeur... Il est 16 h le temps passe... Je vais même au refuge de la croix rouge, il est fermé provisoirement... ! J’interpelle plusieurs passants sans succès, tous me donnent simplement l’adresse d’un hôtel. Par curiosité j’entre dans l’un d’entre eux : 50 euros la nuit avec petit déjeuner... ! Hors de question de payer un tel prix pour un pèlerin.
Finalement après être entré dans deux ou trois bars, un homme me donne un tuyau... J’ai l’adresse d’un bar de la vieille ville, qui a pour enseigne : l’Estrella. Le patron loue des chambres un peu discrètes... Je passe sous silence mes recherches dans cette vieille ville pour trouver ce monsieur... J’ai enfin cette chambre introuvable pour 10 euros. Elle est un peu sordide, sans fenêtre, mais avec vasistas qui donne dans la chambre à côté... ! ! ! Rude pour celui qui est un peu claustrophobe... Les toilettes et la douche commune sont dans le couloir, le tout n’est pas très net, mais j’ai une clef et je suis très indépendant dans une maison discrète... Le propriétaire de ces « chambres » me fait penser à un vendeur de nuit pour immigrés recherchant la discrétion...

Ouf... ! Je suis installé, mais très vite après ma douche, je sors de cette pièce un peu « hôtel du nord » pour aller dans un des nombreux bars de ce vieux quartier.

Encore une curieuse expérience grâce à ce voyage. Je ne regrette rien, la solitude, les circonstances, l’intendance, tout est un dépaysement instructif que je supporte et qui m’intéresse. Je trouve même qu’IL me fait découvrir les autres dans leur précarité, mais je triche un peu, dans quelques semaines cette situation n’aura été pour moi qu’une expérience... Il faut même reconnaître que la journée se termine bien, je vous l’ai déjà dit ma petite étoile arrange les coups... Tout va bien.

Ce soir encore un bon repas pour huit euros et je me sens bien, mais fatigué. J’indique pour l’étape avoir fait 34 kms dans la journée, mais je crois bien en avoir parcouru beaucoup plus aujourd’hui... En sortant du restaurant j’ai froid, c’est un effet de la fatigue je le sais. Je cours presque pour revenir dans ma chambre « luxueuse ». Je me glisse rapidement dans mon duvet, je préfère éviter les draps...

Tudela, ma chambre sans fenêtre

Pas de fenêtre, pas de bruit un silence de cimetière, je peux éviter les boules Quies pour dormir... Pas longtemps, mon voisin vient d’arriver... Je vous rappelle que nos chambres communiquent par un vasistas, il se brosse les dents, se mouche, soupire et se glisse dans un lit qui craque comme le mien... Oui il faut que je mette les boules dans mes oreilles, le voisin ne ronfle pas encore, mais entendre sa respiration devient gênant... !

J’ai enfin le silence dans ma tête, je me laisse aller dans mon monde... Quelques soirs comme ça une présence me manque... L’image de cette présence est toujours la même dans mon cœur...

Demain le Camino m’attend, je suis toujours là, merci à LUI.

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 Le visage de l’article est une photo de Jean-Charles Rey que nous remercions de nous avoir autorisé à la publier.
 Les photos ont été prises par l’auteur pendant son pèlerinage.

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