Les cinq premières cartes du Jeu présentent chacune un seul visage. Avec "L’Amoureux", carte qui porte le numéro six, en voici plusieurs. Il y a ici, trois et un visages. Non ! Un en face de deux et un autre encore... Ou bien : un et deux qui sont trois, plus un qui font quatre... En deux mots, nous entrons avec cette carte dans la multiplicité des relations que l’homme est amené à entretenir avec ses semblables. Et comme elles sont sources de complexité, ces relations !
"Au temps où vous étiez Un, vous avez fait le deux ; mais alors, étant deux, que ferez-vous ?"
Ma Ananda Moyi
Mais, lisons plutôt... Voici un jeune homme qui se trouve face à deux femmes. Celle qui est à sa gauche touche son coeur. Elle est jeune et couronnée de fleurs. Il ne la regarde pas et semble même l’arrêter de la main. Celle qui est à sa droite apparaît moins gracieuse et sans doute plus âgée. C’est de lauriers qu’elle est couronnée. Elle attire l’attention du jeune homme en posant la main sur son épaule. Au-dessus de la scène, un ange s’apprête à décocher une flèche en direction du trio.
C’est l’heure du choix - c’est du moins ce que l’on dit habituellement en regardant cette carte. Mais de quel choix s’agit-il ? D’un choix fort convenable qui inviterait le jeune initié à refuser les attraits de la beauté qui le touche au profit d’une "sagesse" qui l’interpelle ? D’un choix tout pensé par avance où il faudrait résister à la flèche de Cupidon. Et repousser au loin, dans des méandres cachés, tout appel de ce que l’on nomme "les sens" ? Eloigner à tout prix l’expérience de la volupté ? Est-ce bien cela, le message de cette carte ?
C’est la première des cartes du Jeu où la Lumière est explicitement illustrée. Son message ne peut pas être simplement celui-ci...
C’est le Soleil qui domine cette carte. Son éclat est puissant et porté par vingt-quatre rayons jaunes et rouges. Sa lumière est si intense que les maîtres imagiers du Moyen Age l’ont faite blanche, éblouissante...
"Qu'il me baise des baisers de sa bouche...
Que mon Bien-Aimé entre dans son jardin et qu'il mange de ses fruits exquis !..."
Le Cantique des Cantiques
Mais comme il a l’air tranquille, serein, notre initié ! Non pas comme quelqu’un qui est devant un choix difficile. Mais plutôt comme celui qui a fait sienne la Détermination en bouclant ce matin sa ceinture d’or. "Ceins-toi pour Me servir !" disent les Ecritures. En paix aussi, parce qu’il sait la protection de l’ange.
"Il n'y a rien à quoi renoncer.
Trouvez plutôt l'élan pour traverser la vie. Après tous ces élans restreints, l'être humain doit trouver le Grand Elan."
Ma Ananda Moyi
"Déshabillez-moi !" chante avec une extrême sensualité la plus étonnantes des chanteuses françaises que j’écoute en boucle pendant que j’écris ces lignes... [1].
Oui ! Moi, déshabillez mon être de toutes ses idées préconçues, de tous ses préjugés si soigneusement cultivés !
"Une fois que j'ai su que Dieu était une femme, j'ai appris quelque chose de très approximatif sur l'amour ;
mais c'est seulement quand je suis devenu une femme et que j'ai servi mon Maître et Amant que j'ai connu l'amour absolument."
Sri Aurobindo
Oui, c’est cela ! Nous sommes ici face à la Lumière, celle qui éclaire tout d’un incomparable éclat. Au-delà de toute notion d’ombre. Et certains trouveront même dans l’arc de l’ange une image de la Lune qui dans l’un de ses quartiers s’unit au Soleil en un doux baiser...
"Commettre un adultère avec Dieu est l'expérience parfaite pour laquelle ce monde fut créé."
Sri Aurobindo
Et si tu te retournais, Initié, et... que tu embrasses l’Ange avant de reprendre ta route dans le Jeu ;-)