Longtemps, je me suis couché trop tard.
Le jour ne me suffisait pas. Il me fallait attendre la descente de la nuit. Avide de lectures et de musique, il me fallait rêver, écrire, créer, envisager, pour augmenter un espace toujours plus ample de découvertes.
Je ne te connaissais pas encore, Liberté !
Je t’imaginais dans mes initiatives, dans mes découvertes, dans mes voyages et dans mes retours.
Je t’imaginais à la source de mes joies du corps et du cœur.
Je te voyais dans le bonheur des apprentissages, des savoirs, des échanges et du partage.
Avec endurance, je te voyais même dans mes tracas, mes soucis et mes souffrances, prix légitime à payer pour ce que tu avais rendu possible pour moi.
Je te rendais grâce comme si tu étais le principal des noms infinis de Dieu.
Aujourd’hui, Liberté, j’entrevois ta vertigineuse splendeur !
C’est nu, comme la vérité qui cherche son océan, que je vais vers toi. Mes oripeaux d’aventurier, j’ai dû les quitter, sans regrets, sans précipitation, les uns après les autres.
Oh ! Je n’ai pas fini. Mais je sais maintenant comment me débarrasser de ce qui me gène pour marcher vers toi...
Le compositeur et chef d’orchestre Olivier Messiaen (un grand mystique) connu pour son oratorio "Saint François d’Assise parlant aux oiseaux", avait lors d’une répétition avec son orchestre évoqué l’importance de la Joie..."Qu’est-ce que la Joie, Maître ?" questionna un violoncelliste. Messiaen répondit : "La joie, c’est la souffrance..."
Longtemps après que l’on m’ait raconté cet échange, la vie m’a donné à comprendre enfin. Il faut avoir souffert pour être libre. Si l’on s’en remet alors à Dieu, tout devient simple, et la liberté est enfin intériorisée, elle devient le souffle même de notre coeur, la vie de notre Centre Secret.
L’élan vers les autres devient naturel et très doux.
Ayant souffert, nous accueillons la souffrance, celle des autres comme la nôtre, comme un attribut naturel de notre destin humain.
C’est alors qu’advient, dans la joie, la Liberté. C’est alors qu’enfin libre, j’entrerai nu dans la mer.
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